4. Un Éducateur Et Un Leader En Puissance

Il est néanmoins obligé de se plier aux contraintes de la vie religieuse, souvent austère pour un jeune homme créatif et énergique comme lui. Frère Roger Texier nous confirme le caractère un peu rigide de la congrégation avant le concile Vatican II :

« Le conformisme religieux fait partie de l’obéissance et d’un certain respect de la tradition et de l’autorité, au terme de quoi toute prise d’initiative ou toute responsabilité qui est assumée par un sujet de la congrégation sans avoir l’aval, la bénédiction des autorités supérieures, risquent de passer pour indépendance, pour malvenue, et on risque aussitôt d’être suspect » 96 .

En dépit de la rigidité de ce cadre, dans lequel il commence à se sentir à l’étroit, André ROCHAIS poursuit son parcours dans la même institution et son passage ne s’arrête pas à la formation puisqu’à l’âge de 17 ans et demi il commence à enseigner dans une classe d’élèves du primaire, à Saint Jean des Monts. Il est ainsi très vite appelé à transmettre ses connaissances et à exercer ses talents éducatifs, devenant peu à peu un expert en pédagogie, non par l’acquisition de savoirs théoriques, mais grâce aux fruits de son expérience empirique. En effet, cette manière d’éduquer les jeunes enseignants à la pédagogie procédait de la logique même de la congrégation et de ses finalités éducatives, plus implicites qu’explicites d’ailleurs.

Ainsi, frère Texier nous informe que ‘« La pédagogie des frères de Saint Gabriel pendant très longtemps a été plus empirique que scientifique, incontestablement. Mes professeurs de Saint Laurent sur Sèvres quand j’avais 13 ans étaient des frères, excellents éducateurs sans avoir aucun diplôme d’aucun niveau, même pas le baccalauréat à ce moment là bien avant les contrats. (...) Les frères en tant que tels n’ont jamais eu de programme éducatif (pourtant) ils avaient un grand sens de l’enseignement et de la classe »’ 97.

C’est donc dans cet apprentissage d’une pédagogie aussi empirique qu’efficace, héritée des maîtres enseignants de sa congrégation, qu’André ROCHAIS a commencé à exercer ses talents spécifiques et à s’intéresser de façon plus pratique à l’éducation des jeunes, préfigurant son intérêt pour l’éducation des adultes. Nous retrouverons cette démarche intuitive et expérimentale dans la manière dont il conduira sa recherche psychologique et pédagogique au moment de la création de PRH, et tout au long de son travail d’élaboration des fondements théoriques et méthodologiques de cette formation humaine.

Nous pouvons noter également qu’il développe à cette époque un intérêt pour tout ce qui concerne l’action sociale et ses répercussions sur l’évolution des personnes et des sociétés.

Il poursuit alors cette activité d’enseignant jusque en 1941 où il retourne aux études afin de préparer le baccalauréat.

Dans les différents groupes où il passe il s’impose alors comme leader, malgré sa réserve et sa discrétion. Il est souvent meneur, attirant malgré son physique plutôt banal, par la force et la sérénité qui se dégagent de lui. Grâce à ces premières expériences pédagogiques il forge ainsi des qualités d’animateur et de rassembleur, qui lui seront une aide précieuse dans le gouvernement de PRH, notamment dans les moments de « crise ».

Paule MULLER, formatrice PRH et ancien membre du Conseil de Direction de PRH exprime sa pensée à son sujet : ‘« Sa lucidité était exceptionnelle, ses dons de rassembleur aussi : il savait dynamiser, entraîner, toujours ferme dans les orientations de fond, souple dans les mises en oeuvre »’ 98.

Cette souplesse alliée à une détermination farouche se révèle très tôt dans toutes les actions qu’entreprend André ROCHAIS.

Notes
96.

Entretien avec Frère Roger Texier, 8 avril 1997, Angers, p. 2.

97.

Entretien avec Frère Texier, ibid., p. 15.

98.

Paule MULLER, in André ROCHAIS, fondateur de PRH, op. cit., p. 30.