B. L’appel Au Sacerdoce : Les Années D’études (1953-1960)

1. Naissance D’une Vocation

Dans ces années où il vit pleinement sa recherche pédagogique, il ne néglige pas la vie religieuse et la relation à Dieu qui est centrale dans son existence. C’est au cours d’une des retraites annuelles qui rythmait la vie d’un frère qu’il sent naître en lui la vocation au sacerdoce. Il se fait alors accompagner spirituellement par le père qui prêchait la retraite et demande à son supérieur l’autorisation d’être ordonné prêtre au sein de la congrégation des frères de Saint Gabriel. Le chapitre refuse au nom même de la mission de l’institution destinée à former des enseignants, non des prêtres. Le Frère Roger TEXIER nous donne son témoignage :

« Devenir prêtre, alors qu’on était Frère n’était pas inouï, quoique rare. Nos Constitutions d’alors interdisaient « d’aspirer au sacerdoce ». Je ne connais qu’un Frère qui ait quitté sa congrégation d’origine pour entrer dans celle des Pères Montfortains. Frères et Pères ne s’entendaient pas très bien pour des raisons de « filiation montfortaines » purement historiques » 106 .

Il quitte donc en 1952 les frères de Saint Gabriel par fidélité à l’appel divin qu’il ressent, pour s’orienter vers le sacerdoce. Il entre cette même année au Grand Séminaire de Poitiers.

Nous pouvons toutefois supposer que ce départ ne s’est pas vécu sans souffrances pour André ROCHAIS, dans la mesure où sa démarche se heurtait à l’incompréhension de ses supérieurs, et manifestait une sorte de rupture avec l’ordre quasi familial que représentait la congrégation des frères de Saint Gabriel, sous tendu par un ‘« esprit un peu possessif ’ ‘(puisque)’ ‘ les petits paysans qui venaient de leur campagne vendéenne ou angevine, et qui débarquaient un jour (...) étaient pris en charge par les frères (...) on était intégré à une famille, et je dirais aussi comme ressortissant d’une famille, il y avait un esprit de possession, d’adoption, à plus forte raison lorsqu’il s’agissait des juvénistes, en tant que candidat lointain (...) à la vie religieuse »’ 107.

Le départ d’un de leurs éléments les plus brillants et les plus prometteurs aurait, toujours aux dires de Frère Texier, provoqué un petit scandale parmi les responsables de l’ordre de Saint Gabriel. C’est donc sans plaisir, et avec la souffrance du départ d’un de leurs « fils », que les supérieurs d’André ROCHAIS le virent s’en aller pour tracer sa route, en dehors du cadre bien établi de la congrégation.

Comme le souligne Frère Texier, ‘« une institution est une institution et elle doit se suffire à elle même, une personnalité de la taille d’André ROCHAIS risquait d’être gênante (...) Il a animé des groupes de « coeurs vaillants » (...) ce mouvement là, à l’intérieur de nos institutions, en tant qu’innovations, créait des entorses à notre règlement (...) Le slogan de l’institution était : « A la chapelle, en classe ou au jardin ». Or le frère (André ROCHAIS), au lieu d’être soit au jardin, soit à la chapelle, soit en classe, était à l’extérieur »’ 108.

C’est ainsi que la liberté de pensée et d’action d’André ROCHAIS était diversement jugée et appréciée par ses pairs comme par ses supérieurs, et que, d’après Frère Texier, il a certainement reçu un blâme de la part de ces derniers pour ses agissements, pourtant fort honorables, mais contraire à la règle fondatrice de l’institution.

Cependant ‘« ce qui s’est passé pour le frère ROCHAIS ne s’est pas passé pour tous parce qu’il y a des frères qui (dans une situation analogue) se sont écrasés, mais il y a des frères qui se sont dit « qu’est-ce que je fais ici ? » . Je crois que cette question explique au moins le début de la décision qu’il a prise (...) de sortir de la communauté ou la congrégation des frères de Saint Gabriel pour se faire ordonner prêtre »’ 109.

Il serait toutefois faux de réduire l’appel au sacerdoce d’André ROCHAIS à un désir de fuir le cadre enfermant de la congrégation pour trouver enfin son domaine de réalisation personnelle. En effet, sa vocation spirituelle se révélera suffisamment solide pour résister à toutes les difficultés qu’elle comportera.

Notes
106.

F. Roger TEXIER, in lettre personnelle, 6 juin 1992.

107.

Entretien avec Frère TEXIER, op. cit., p. 15.

108.

Entretien avec Frère TEXIER, op. cit., p. 4

109.

Ibid., p. 5