B. Une Recherche Systématique: Le Chemin Vers Prh

1. L’année 1966

L’année 1966 marque une avancée considérable dans l’embryon de PRH. ROCHAIS découvre l’oeuvre de Carl ROGERS notamment Le développement de la personne et un déclic se produit en lui. Il élabore un premier schéma des Zones de la Personnalité à partir de cette conviction de ROGERS : « le fond de la personne est positif et naturellement bon »123. Nous discuterons ce postulat dans notre seconde et notre troisième partie et nous en analyserons les conséquences tant positives que négatives.

ROCHAIS dit lui-même de l’année 1966 qu’elle marque un tournant dans sa vie : ‘« C’est là qu’a commencé ma recherche typiquement PRH (...). Dans le travail de formation que je faisais, je me sentais fortement et de plus en plus, attiré par tout ce qui concernait l’homme. J’avais l’impression d’être sur les parois d’un entonnoir et de glisser toujours plus vers ce qui concernait l’homme et sa croissance »’ 124.

L’image de l’entonnoir illustre bien le sentiment de recherche en profondeur présent en lui. Il descend pour arriver au « plus essentiel » après avoir exploré le « plus évident ».

Dès 1966, il centre sa recherche sur deux pôles bien définis mais étroitement reliés au sein d’une même problématique, celle de la croissance de la personne :

  • les rouages et les fonctionnements de la Personne,

  • l’homme dans la société, dépendant de l’environnement dans la réalisation de lui-même.

André ROCHAIS décrit ainsi cette période de sa vie intérieure intense en activité et en découverte (il est à ce moment-là entièrement pris par son travail, entre une recherche personnelle bouillonnante, une animation de groupes en week-end ou en sessions et des entretiens d’aide particuliers qui lui sont demandés) :

« Ma grande question de 1947 était toujours là... sans réponse satisfaisante : où rejoindre l’homme pour que se déclenche le processus de croissance et de mise en ordre ? » 125 .

Ces concepts spécifiques de croissance et d’ordre seront analysés en détails dans notre seconde partie pratique, mais nous pouvons déjà préciser que pour André ROCHAIS la croissance est synonyme de mouvement dynamique de l’être humain vers l’accomplissement de son identité, tandis que la mise en ordre signifie l’harmonisation de la personnalité d’un individu autour de ce qui la fonde essentiellement : son identité, ses valeurs, et sa vocation.

André ROCHAIS poursuit alors sa recherche, soutenu par sa foi indéfectible en la puissance de transformation de l’homme. Il est persuadé qu’une personne en bonne santé psychologique peut par là même rayonner sur son entourage et transformer le monde, et que la dimension sociale est unie en substance à la dimension personnelle. André ROCHAIS semble finaliser son travail beaucoup plus clairement depuis cette date charnière :

« Mes études à Paris m’avaient fait conscientiser à quel point l’homme est socialisé et je m’interrogeais: qu’y a-t-il de personnel dans l’homme ? Je cherchais un schéma de la personne humaine qui ferait apparaître la structure de l’homme, ce qui est personnel et ce qui est socialisé » 126 .

C’est dans ce contexte d’effervescence intellectuelle et humaine, dans l’apparition nouvelle des sciences humaines que ROCHAIS découvre ROGERS et continue ses propres observations. (Il considère d’ailleurs être allé plus loin que lui dans la description de l’être humain en ses différentes instances). ROGERS lui donne le coup de pouce nécessaire pour commencer à élaborer son propre système de référence.

ROCHAIS bâtira peu après ses TPA en fonction de sa croyance en l’être profond de l’homme jugé fondamentalement bon et positif :

« Un déclic se produisit. Je me suis trouvé dans mon axe, j’avais la réponse à ma question, du moins une amorce de la réponse. Ce fut aussi la chiquenaude qui me mit en route. Quatre choses trouvèrent écho en moi :
  • sa formule, le fond de l’être est positif,

  • son affirmation qu’on peut faire confiance à ses intuitions,

  • sa distinction entre le savoir (l’intellect selon son langage) et le senti ou le vécu (l’organismique),

  • sa méthode pour aider les gens.

J’avais mes réponses:
  • le lieu où il faut rejoindre l’homme pour que tout se remette en place, c’était le fond de l’être, là où est le positif,

  • le moyen de devenir soi, c’était de faire confiance à ses intuitions,

  • mon schéma, il m’aidait à le faire avec sa distinction entre le savoir et le senti,

  • ma méthode pour aider les autres dans leur croissance, c’était la sienne: une relation d’aide à base de relation humaine qui fait confiance à la personne et qui s’efforce de stimuler la croissance de l’autre »127

.’

André ROCHAIS propose à partir de ce moment-là à ses stagiaires un enseignement sur la Personnalité qui séduit tous les participants. Il leur présente un schéma simple où sont distingué trois zones essentielles dans la personnalité :

  • la zone cérébrale, lieu de l’intelligence, de la volonté, des décisions et de la rationalité,

  • la zone sensible, lieu du ressenti et de la révélation des blessures du passé,

  • la zone profonde, lieu de l’identité de la personne, de sa vocation et aussi lieu d’émergence des intuitions et d’une justesse des comportements.

Notes
123.

André ROCHAIS citant ROGERS, ibid., p. 9.

124.

Cité par Michel LAMARCHE, ibid., p. 9.

125.

Cité par Michel LAMARCHE, ibid., p. 9.

126.

Cité par Michel LAMARCHE, ibid., p. 9.

127.

André ROCHAIS, cité par Michel LAMARCHE, ibid., p. 9.