3. L’expansion De La Formation: Naissance De Prh

En 1967 André ROCHAIS est submergé par les demandes qu’il ne peut personnellement satisfaire. Il demande alors à l’Eglise de lui donner des religieuses à former, précisant à quel point son action concourt à l’oeuvre universelle du Salut de l’homme en Dieu, grâce aux médiations humaines. De plus, il est invité au Canada afin d’y donner des sessions. Un mouvement d’expansion de la formation d’André ROCHAIS s’amorce également là-bas.

Cette année-là, ROCHAIS fait appel aux personnes qui, ayant déjà participé à ses sessions, auraient le désir de transmettre à leur tour cette méthode de connaissance de soi et de développement personnel :

« Il définit alors des critères de sélection de ces futurs animateurs et communique son projet autour de lui. En peu de temps, 46 candidats expriment leur désir de se former pour diffuser les sessions. En septembre 1967, la première rencontre de formation des futurs animateurs a lieu à Poitiers. Parmi les quarante-six du départ, dix-huit formateurs animeront effectivement des sessions. En 1968, à nouveau, une quarantaine de personnes nouvelles se forment à l’animation, tandis que les pionniers se perfectionnent » 130 .

André ROCHAIS n’aurait pu soupçonné l’étendue progressive de sa formation ni de la laïcisation qui aura lieu. Il est entouré d’une équipe de religieuses et donne ses sessions dans les milieux chrétiens. Mais l’année1969 consacre l’apparition d’un autre type de formateurs (de formatrices plutôt) et André ROCHAIS crée les premiers « mois » de formation, intenses, afin de rendre les animatrices performantes le plus rapidement possible.

Marie-Anne LE GUYADER, formatrice depuis les débuts de l’organisme et ancienne éducatrice dans une école Montessori raconte son premier contact avec l’outil pédagogique mis au point par André ROCHAIS, avant la naissance officielle de l’organisme PRH. Elle fait sa première session intitulée Personnalité en 1968. Cette session était animée par André ROCHAIS. C’est alors la révélation : ‘« J’étais bouleversée. Je me suis dit: enfin, quelque chose pour aider l’homme à se connaître par lui-même »’ 131. Elle découvre aussi un lien évident entre la pédagogie de madame Montessori et celle d’André ROCHAIS :

« Je me rappelle toujours cette idée de madame Montessori : « N’oubliez jamais que quand un enfant demande de l’aide il dirait, s’il pouvait l’exprimer: « aide moi à faire seul ». J’entends cela dans l’outil PRH. Les personnes adultes au fond disent la même chose, expriment le même désir. L’animateur est cette aide. Nous avons tout en nous pour nommer qui nous sommes » 132 .

André ROCHAIS lui-même confirme cette position : ‘« ce qui m’est resté dans cette plongée dans les méthodes actives, c’est ce que j’appelle la méthode d’autodécouverte. Il ne s’agissait pas de gaver l’élève de connaissances mais de lui procurer les moyens de découvrir par lui-même. Autrement dit, il n’y a de croissance que de l’intérieur, d’où un enseignement individualisé »’ 133. Il se situe dans la mouvance des méthodes actives mais ne les pratique pas de manière pure puisqu’il forge déjà les bases de son propre outil pédagogique.

Les sessions « Personnalité » du Père ROCHAIS ont une renommée grandissante et il n’était pas rare de voir des sessions d’une centaine de participants. Aujourd’hui, le nombre est limité à une quinzaine maximum par session et la pédagogie s’est enrichie et diversifiée en fonction des thèmes abordés. Ecoutons le témoignage d’une des premières formatrices évoquant le souvenir des débuts de PRH :

« Je garde un souvenir ébloui de ces journées où tout nous était dispensé à la fois ! Expériences, formation « sur le tas », premiers pas dans l’animation des sessions déjà existantes: Personnalité, Relation et structures de gouvernement, Relations inter-personnelles, groupe. Tout va aller très vite ; et très loin... Fin 1969, je crois que nous étions de 25 à 30 « formateurs » en France ; mais André ROCHAIS restait alors le principal animateur. C’est le temps où l’auditoire frissonne quand il emprunte un canif, incise un bouton de rose et persuade à jamais les participants du peu d’efficacité de la méthode pour épanouir la fleur » 134 .

Cette dernière image tend à symboliser la manière dont les potentialités d’une personne se révèlent, non dans un acte de volonté et de force, mais dans une attitude d’accueil et d’ouverture, respectant le rythme inhérent à tout processus de croissance individuelle.

André ROCHAIS, d’après les témoignages des formateurs, célébrait l’eucharistie au cours des sessions mais ne voulait pas donner à celles-ci un caractère confessionnel par respect pour les convictions de chacun. Il s’était notamment aperçu en travaillant avec les assistantes sociales que le fait de parler de Dieu de façon explicite bloquaient certaines participantes. De plus, les sessions ne devaient pas avoir d’objectif spirituel « avoué ». Cependant ‘« beaucoup de personnes sont venues à PRH attirées par l’homme de Dieu qu’il était »’ 135. Il était conscient du piège qu’une religion « refuge » peut présenter et souhaitait que toute personne aille au bout de son chemin humain sans fuir dans une religiosité vécue comme un remède à tous les maux, s’assimilant alors à un processus de compensation visant à sublimer un malaise psychologique.

En 1970, André ROCHAIS a le désir de continuer sa recherche pédagogique et psychologique en travaillant en équipes. Il est convaincu que l’apport de chaque formateur est un plus dans l’amélioration de l’outil et des sessions. C’est ainsi qu’est décidée une grande réunion de tous les formateurs en septembre 1970 à La Hublais, près de Rennes :

« Au cours de l’année, prend corps en moi l’idée d’un regroupement afin d’assurer une meilleure coordination de nos efforts et une maîtrise du courant que nous déclenchions. Cette même année, j’ai cherché quel nom donner à notre regroupement... J’en suis arrivé à PRH (Personnalité et Relations Humaines). Cela me semblait correspondre à ce que, de fait, j’observais » 136 .

En effet, le « P » de PRH renvoie bien l’image d’une formation centrée sur le développement de la personnalité, quand le « R » évoque l’importance des relations dans un chemin de croissance individuelle, et le « H » renforce le caractère humaniste de l’organisme, porté par des convictions profondément altruistes et sociales.

C’est au cours de cette première assemblée générale qu’a été proclamé l’acte de naissance de PRH, officiellement enregistré le mois suivant :

« En septembre à la Hublais, se tient la « première Assemblée de ceux et celles qui donnent des sessions du même genre ». Il est émouvant de se rappeler cette rencontre où il fut question de constituer notre groupe à l’intérieur de « Culture et Promotion » 137 (dont le directeur national était présent). Au cours des séances de travail, ayant précisé notre conception de l’homme et fait l’inventaire des valeurs qui nous étaient communes, notre groupe décida de s’ériger en Association autonome loi 1901. Il se donna un nom: « Personnalité et Relations Humaines » et un bureau dont André ROCHAIS était le président. Dans la terre préparée par quatre années d’efforts, l’arbre PRH était planté » 138 .

Il importe de remarquer que c’est bien autour d’une même vision anthropologique de l’être humain et de finalités pédagogiques communes que PRH a pu se constituer en réalité autonome et prendre son essor.

Andrée LUMEAU faisait remarquer à quel point le groupe qui se retrouvait autour d’André ROCHAIS était le plus motivé et le plus uni au milieu de l’équipe globale de Culture et Promotion. Le consensus demeurera essentiel dans la croissance future. La foi en l’homme est au coeur de cet organisme et aujourd’hui encore tous les animateurs sont chrétiens, la condition étant de croire en une réalité transcendante, même non explicite. Un formateur athée ne peut pas naturellement s’intégrer dans l’équipe car son idéologie ne peut s’accorder avec les valeurs spirituelles fondatrices de PRH, postulant la radicale universalité de valeurs telles que la justice, l’amour, la vérité, et le respect d’autrui.

A partir de 1970, PRH va confirmer son existence en se développant de plus en plus en France et à l’étranger. Son identité et sa mission vont se préciser. André ROCHAIS va plus que jamais jouer son rôle de leader et de fondateur dans les étapes qui vont marquer la construction de PRH. C’est ce que nous verrons dans le prochain chapitre.

Notes
130.

Michel LAMARCHE, ibid., p. 10.

131.

Marie-Anne LE GUYADER, entretien en décembre 1991.

132.

Marie-Anne LE GUYADER, ibid.

133.

Cité par Michel LAMARCHE, ibid., p. 7.

134.

M. André M, « PRH a dix ans », in courrier PRH, n° 18, octobre 1980, p. 2.

135.

Marie-Anne LE GUYADER, entretien en décembre 1991.

136.

André ROCHAIS, cité par Michel LAMARCHE, ibid., p. 10.

137.

Organisme chrétien regroupant différentes groupes de formation personnelle.

138.

M. André. M., ibid., p. 2.