4. Esquisses D’un Portrait

Nous voudrions mettre en évidence quelques traits particuliers de la personnalité et de l’identité d’André ROCHAIS, tel qu’il nous est apparu au cours de cette recherche sur sa vie et la genèse de son oeuvre.

Il semble déjà qu’André ROCHAIS ait été très tôt conscient de son identité et suffisamment ancré en elle pour opérer des choix libres et déterminés. Ses origines modestes ont contribué à faire de lui un homme simple, capable de se regarder en face sans tricher en reconnaissant tout à la fois ses dons et ses disgrâces.

Mesuré et posé dans ses jugements, il se montrait passionné dans l’action pour autant qu’elle soit le fruit de ses désirs et l’actualisation de sa volonté.

Profondément altruiste de par son éducation familiale et religieuse, il est sensible aux problèmes de l’homme dans la société et sera mené par un désir puissant de « changer le monde en changeant l’homme ».

André ROCHAIS est un homme porté à l’intériorité, paisible dans sa solitude et heureux de vivre la réciprocité avec ses proches. Il présente une personnalité assez stable. Il est chercheur et solitaire dans son travail et fait preuve de l’autorité suffisante pour se poser en chef partout où il passe. Il attire les personnes et exerce une véritable influence sur elles. C’est donc un leader dans le sens de quelqu’un qui appelle et suscite les autres139.

Mais cette force de persuasion s’appuie sur des qualités réelles et sur une vie spirituelle dense qui rayonne et témoigne de l’authenticité de cet homme.

C’est un éducateur enfin, profondément respectueux des personnes et portant sur elles le regard créateur des véritables « éveilleurs ». Car, comme le dit justement le philosophe Emmanuel MOUNIER, il ne s’agit pas de ‘« faire mais d’éveiller des personnes. Par définition une personne se suscite par appel, elle ne se fabrique pas par dressage »’ 140.

Ce qui rejoint bien les propos mêmes d’André ROCHAIS exhortant les formateurs à être de vrais éducateurs.

« L’éducateur est celui qui est apte à déceler le positif chez quelqu’un et ses ressorts pour avancer... C’est de ce tréfonds que pourra naître un regard positif apte à régénérer des êtres et à les dynamiser pour l’existence... Regardez bien chacun, jusqu’à ce que s’éveille en vous ce type de regard profond capable d’appeler à exister afin « qu’aucun ne se perde ». Ne vous forcez pas pour l’avoir. Il doit naître tout seul. Si vous avez à mettre en oeuvre votre volonté, c’est seulement pour prendre les moyens de vous faire proche. Le ‘regard’ intérieur vient toujours ensuite comme une conséquence. Ce regard créateur est particulièrement nécessaire aux fatigués de la vie, aux déçus d’eux-mêmes, aux non-existants. Mais en ont aussi besoin ceux qui sont bien en route » 141 .

André ROCHAIS avait l’optimisme fondamental des hommes de foi. Il croyait en la nature saine de l’homme puisque celui-ci est créé à l’image de Dieu. On peut le trouver idéaliste à juste titre et nous constaterons par la suite les dérives de sa perception quelque peu utopique de l’homme et des rapports sociaux. Paradoxalement il se veut attentif au « réel », entendu comme la réalité du ressenti et de la vie psychique, et tous ses proches louent sa lucidité et son réalisme.

Sans nier cette vérité nous pouvons d’ores et déjà affirmer qu’André ROCHAIS a évolué dans les cinquante premières années de sa vie dans un milieu religieux très déterminé et relativement protégé. Certes les personnes issues de ces sphères religieuses subissaient leur lot de souffrances et de traumatismes, mais étaient psychologiquement structurées par des valeurs communes fortement imprégnées de morale judéo-chrétienne. L’outil s’est donc développé dans un terrain favorable, puisque ses utilisateurs étaient portés par les mêmes repères axiologiques.

André ROCHAIS dit lui même n’avoir pas connu de ruptures graves dans sa vie ni de blessures fondamentales. Son départ de l’ordre de Saint Gabriel nous invite à douter de cette affirmation péremptoire, bien que nous ne puissions pas l’infirmer totalement. Parti de rien, il s’est construit par lui-même à la force de ses désirs et de son obstination. Même s’il a suivi un cursus de formation assez classique, il présente les caractéristiques de l’autodidacte. Il a été amené à se faire confiance très jeune et a découvert en lui des ressources insoupçonnées. Il a cru en ses intuitions personnelles et n’a jamais voulu se reconnaître d’une obédience philosophique ou psychologique particulière si ce n’est la reconnaissance de l’influence prépondérante de ROGERS dans sa propre recherche, et de façon moindre de Frankl et de Masslow.

Ainsi, il a construit ses cours puis ses sessions de formation sur une synthèse personnelle de toutes ses connaissances et expériences propres. Il est fidèle à lui-même et ne s’est jamais renié malgré les obstacles et les pressions. Il est attentif aux événements et croit y reconnaître l’inspiration divine, les signes du ciel favorables à l’éclosion de PRH. Il est souple et déterminé. C’est « une main de fer dans un gant de velours ! ».

Notes
139.

Frère Roger TEXIER qui connut André ROCHAIS en mai-juin 1945 dit de lui: « Le Frère rentrait du S.T.O. (Service de Travail Obligatoire). Il avait été invité à faire une conférence aux Juvénistes de Saint Gabriel (...) dont je faisais partie. J’avais alors 17 ans. Je ne le connaissais pas. Il m’a impressionné par son dynamisme, sa confiance dans la vie, la facilité avec laquelle il avait surmonté pas mal de difficultés en Allemagne, la facilité avec laquelle il s’exprimait, une culture aussi, que je trouvais plutôt dégagée d’un certain formalisme. Il y avait en lui quelque chose de séduisant” , lettre personnelle, juin 1992.

140.

Emmanuel MOUNIER, Le personnalisme, in Oeuvres complètes, Tome III, Paris, Seuil, 1962, p. 521.

141.

André ROCHAIS s’adressant aux formateurs, in André ROCHAIS, fondateur de PRH, op. cit., p. 38.