2. Les Dissensions Internes : Crises Et Évolution De Prh (1973 -1976)

a) Les Origines Des Crises

Elles sont diverses et complexes et se situent en amont de la première crise, qui éclatera en 1974 lors de l’assemblée générale de l’organisme.

Nous avons vu comment André ROCHAIS se situait dans PRH à ses débuts : il était profondément engagé et cependant détaché de l’évolution de l’oeuvre. Sa conception va peu à peu se modifier. Ce changement est provoqué par deux événements. En 1971, en région parisienne se déroulait un atelier entre animateurs portant sur la session « relations de groupe ». Les discussions allaient bon train et chacun défendait son point de vue. Il était alors question de la spécificité de cette session. Des divergences ont commencé à apparaître, et André ROCHAIS s’est spontanément situé comme porteur d’une vérité sur PRH. En effet, parmi les formateurs, beaucoup étaient venus à PRH après un parcours éclectique dans le domaine des sciences humaines allant de la dynamique de groupe à la psychanalyse. Certaines de ces influences se manifestaient inévitablement lors des rencontres de recherche.

C’est au moment où sont en jeu les options fondamentales de PRH qu’André ROCHAIS perçoit l’importance d’éviter les « cocktails » d’éléments disparates tirés de ces divers courants. Son objectif est de poursuivre une recherche typiquement PRH et de ne pas perdre le caractère inédit et original de cette pédagogie. Il explique cela lui-même : ‘« on était en train de flotter : est-ce que la session de groupe est une session comme ceci, ou une session de dynamique de groupe ? A un moment j’ai pris nettement position et j’ai dit : il n’y a session PRH que ça ! Je me suis affirmé là comme celui qui a quelque chose à dire sur l’identité de PRH. Ça m’a plus échappé que je ne l’ai voulu... A ce moment là, je commençais à me rendre compte que je n’avais pas à exister comme un animateur parmi les autres seulement, j’avais à exister comme j’étais créé, c’est à dire avec le don PRH dans le coeur. C’était neuf pour moi parce que je n’avais pas du tout envisagé cela »’ 160.

Un second événement élargit encore sa prise de conscience : ‘« à l’automne 1972, en revenant de l’ouest canadien, une animatrice qui l’accompagnait insiste pour qu’il aille en Haïti et y parle de PRH : « c’est là que, dans l’avion, quelque chose a bougé en moi et j’ai senti que j’avais à me sentir concerné par tout ce qui se faisait dans le monde (sous le label PRH). Ce fut un moment très important pour moi » »’ 161.

Se sentant devenir responsable de PRH en France et dans le reste du monde, l’attitude d’André ROCHAIS va peu à peu se modifier au sein du groupe des formateurs. Il va tenter d’expliquer à ceux-ci les transformations opérées en lui, leurs raisons profondes et les conséquences qu’elles impliquent sur l’avenir de PRH. Or, ‘« cette affirmation de lui comme porteur de l’intuition de l’identité de PRH va être accueillie différemment selon les animateurs. Beaucoup s’en réjouissent car ils avaient déjà reconnu en André ROCHAIS cette réalité. D’autres en prennent ombrage. Ils voient leur pouvoir d’influer le groupe selon leurs vues diminuer, ils craignent qu’une autocratie ne s’instaure à PRH. Un malaise naît. De plus, depuis le début un certain flou règne au niveau des animateurs quand à leur appartenance à PRH. Des écarts se creusent entre ceux qui se sentent de plain-pied avec la pensée d’André ROCHAIS et ceux qui voulaient orienter la pédagogie sur d’autres voies que celles qu’André ROCHAIS définit peu à peu »’ 162.

Nous pouvons légitimement nous demander si cette prise d’autorité soudaine d’André ROCHAIS concernant l’identité de PRH n’a pas conduit l’organisme et ses principaux acteurs à se maintenir dans une forme d’immobilisme, caractérisé par une prudence proche de la méfiance envers des initiatives plus marginales, pouvant inciter PRH à entreprendre dans un sens quelque peu différent de celui donné par le fondateur. Les difficultés actuelles de l’organisme à rejoindre un public de plus en plus exigeant car soumis à des offres de formation très diversifiées, sont dues en partie au retard accumulé par PRH dans le travail d’adaptation de ses modules pédagogiques, et dans sa communication externe. En effet, on retrouve chez un bon nombre de formateurs, notamment ceux de la « première génération », cette volonté, toute légitime, de « préserver » la spécificité de PRH, dans un souci de fidélité à l’esprit fondateur d’André ROCHAIS. Or, bien que justifiable, cette démarche peut devenir un frein à l’évolution de l’organisme et de sa méthodologie.

Entre l’autorité grandissante d’André ROCHAIS et l’ampleur des dissensions internes, les conditions étaient réunies pour qu’éclate la crise lors de l’assemblée générale de 1974.

Notes
160.

André ROCHAIS, loc. cit. , p. 14.

161.

Michel LAMARCHE, ibid., p. 14.

162.

Michel LAMARCHE, ibid., p. 14.