a) Multiplication Des Sessions Et Des Outils Didactiques

Dans l’entretien vidéo « propos d’un homme ordinaire » réalisé en 1988, André ROCHAIS répond aux questions thématiques d’Andrée LUMEAU sur l’histoire de PRH et son actualité. Une question porte notamment sur la méthode utilisée par André ROCHAIS dans la création de ses sessions. « Comment naît une session ? » demande Andrée LUMEAU. A ce point de notre historique, il nous semble intéressant de retranscrire intégralement la réponse d’André ROCHAIS. A partir de 1978-1979, la recherche pédagogique et les découvertes d’André ROCHAIS sont foisonnantes. Une question se pose alors. Comment, en deux ans seulement, a-t-il pût créer une dizaine de sessions et rédiger des dizaines de notes d’observations, véritable corpus explicatif de la psychopédagogie PRH ? Si André ROCHAIS ne donne pas d’explication quand à sa puissance de travail et de créativité, il nous propose quelques clés pour comprendre comment mûrissent ses découvertes et quelles méthodes il utilise pour les formaliser en TPA et notes d’observation appropriés à chaque session :

‘ « En fond de tableau, j’ai l’homme et sa croissance, les groupes et leur croissance. Quand je crée une session, c’est que j’ai regardé et décortiqué un secteur de l’homme en croissance. Une fois que j’ai découvert cela, je continue de regarder l’homme dans sa globalité et je me dis ... Ah... Il y aurait telle autre chose là. Ça commence alors à bouger en moi... Un jour ça deviendra une session. (Il y a souvent contagion de session à session) Comment ça arrive au jour ? Ça commence par une intuition : Là, il y a quelque chose d’important (...) ça existe, ça tourne en moi, ça s’alimente d’éléments divers, d’autres sessions existantes, des observations, de ce que les gens m’apportent en relation d’aide. Le temps de gestation peut durer un moment. Puis, ça grossit et commence à apparaître une structure : je vois le parcours qu’il va falloir faire faire aux gens, les thèmes importants. Alors ça commence à être intéressant, je sens que c’est mûr, je prends ma plume et je bâtis une session qui va être expérimentée. Un animateur donne la session, je suis présent et j’ajuste la session en fonction de l’écho qu’elle a sur les publics. Les sessions sont alors profondément remaniées pour que tout soit bien ajusté, même si en général la structure reste la même. L’élaboration des notes d’observation se fait en même temps : j’y livre mes propres découvertes pour donner aux gens une série de concepts qui leur permet de se repérer dans le paysage intérieur qu’ils découvrent. En session, ils partent d’eux, se découvrent eux-mêmes, mettent de l’ordre dans leurs affaires (c’est le principal du travail). Alors, leur sont livrées les notes d’observation qui intègrent leurs découvertes mais les débordent beaucoup. Ma préoccupation, c’est de leur donner des concepts pour arriver à se lire. Autrement, on est dans le flou. Par exemple, quand je fais la différence entre les cinq niveaux de la personnalité (schéma de la personne), je leur donne cinq concepts pour se comprendre (...) On ne peut bien se lire que si on a des « casiers » pour classer ses observations. (Les casiers sont expérimentés, éprouvés, on peut en trouver beaucoup d’autres, ce n’est pas figé...) Tout est en gestation en même temps. A mesure que j’avance, je découvre des concepts nouveaux, je perçois des mécanismes nouveaux et j’ai envie de retoucher aux sessions existantes (...) Une session, c’est un parcours, comme un voyage. On fait s’arrêter les gens à différents endroits en fonction des thèmes. Les questions les amènent à se découvrir eux-mêmes » ¹⁸² . ’

Le caractère profondément chercheur et pédagogue d’André ROCHAIS se révèle ici. De multiples témoignages de formateurs et d’utilisateurs qui l’ont connu, confirment l’importance de cet aspect en lui. Olivier Chastenet de Gery, stagiaire, nous livre au travers de deux anecdotes son témoignage sur l’attitude propre à André ROCHAIS :

‘ « Je me souviens entre autres de deux attitudes : l’une concernant la mise au point de la pédagogie des TPA. Après l’énoncé d’un nouveau TPA par l’animateur, André ROCHAIS me regardait attentivement et constatait mon trouble, mes difficultés visibles sur mon visage ; il m’interrogea alors des yeux. Je lui fis remarquer que la progression du TPA précédent ce dernier nécessitait une trop grande « enjambée ». Les autres participants confirmèrent mes propos et André ROCHAIS me demanda quel « pas » intermédiaire j’aurais aimé poser. Je lui formulais alors mon propre questionnement, qui après révision de sa part devint un nouveau TPA. J’admirais « la docilité du maître » pour coller aux besoins du client et à la réalité de l’expérience. Son intelligence et son humilité m’émerveillèrent.
- l’autre concernant une remarque personnelle qu’il me fit devant tous (!) en voyant mes difficultés à saisir mes sensations. Ayant rapidement démasqué mon fonctionnement, il me dit : « tu fais pitié car tu travailles comme un intellectuel, tu n’utilises que ta tête, pourquoi n’utilises-tu pas tout ton corps ? (...) Après avoir écrit ton TPA, n’écris pas tout de suite, pose ton crayon, ferme les yeux et cherche à localiser en toi, dans ton corps, la sensation présente engendrée par le TPA. Tu ne prendras ton crayon que lorsque, envahi par la sensation, tu ne pourras plus te retenir d’écrire » ¹⁸³ . ’

De cet événement est né un mini-outil intitulé : « Note spéciale à l’intention des personnes à forte tendance cérébrale » !

Ainsi, entre 1979 et 1980, André ROCHAIS travaille sur tous les fronts. Comme il le dit lui-même, il a toujours plusieurs chantiers en cours en même temps, les découvertes pédagogiques s’alimentant les unes les autres et les thèmes des sessions s’imbriquant étroitement. Il élargit alors énormément ses axes de recherche : il créé aussi bien un cycle de formation à la relation d’aide, qu’un cycle sur la relation à Dieu ; de même, les nouvelles sessions portent sur des thèmes aussi variés que « la relation à mon corps », « le sens de ma vie », « l’introduction à l’analyse PRH » et la vie de couple. De plus, les premières sessions « personnalité » (A et B), profondément remaniées, s’intitulent désormais « qui suis-je ? » et « conduire sa vie ». La session « affectivité » se décompose aussi en deux parties, l’une portant sur « les relations affectives », l’autre sur « la vie affective ».

Comme nous l’avons compris, la création de sessions implique à la fois la mise au point de TPA et de notes d’observation où André ROCHAIS livre le résultat de ses propres recherches et propose une série de concepts explicatifs sur la psychologie de l’homme et ses fonctionnements. Sans développer les thèmes relatifs aux « notes », citons toutefois à titre d’exemple, quelques uns des concepts élaborés par André ROCHAIS au cours de ces deux fructueuses années : Ils ont traits à « l’aspiration à exister », « le besoin d’être reconnu », le « phénomène de la non-existence », « l’analyse des sensations » et « les différentes lois de croissance de l’être humain ».

L’élargissement des sujets abordés, ainsi que la structuration importante du système explicatif ne s’arrêtent pas après 1980. Au contraire, André ROCHAIS qui a quitté la présidence de PRH France et l’animation de sessions, ‘« n’oublie pas que son temps est compté »’ ¹⁸⁴ et ne cesse d’ouvrir le champ d’action de PRH et d’inventer de nouveaux outils. ‘« Il renouvelle et enrichit le cycle « vie en groupe » en remaniant la session « Ma vie de groupe » et en créant « Ma vie d’entreprise » (...) il créé un peu plus tard la session « suivre sa conscience » qui lui tient tant à coeur et qu’il qualifie d’une des deux clés de la formation PRH, la première étant l’analyse PRH »’ ¹⁸⁵.

Si André ROCHAIS est satisfait de l’étendue du travail accompli, son organisme quant à lui s’en trouve de nouveau affaibli ; son état s’aggrave brusquement lors de l’été 82 alors qu’il se trouvait au Canada. Il est hospitalisé un mois. Cet événement marque la fin du débordement d’activité d’André ROCHAIS qui avait profité pleinement de la rémission exceptionnelle des huit années précédentes.