3. La Relation À Une Dimension De Transcendance

Les chiffres parlent d’eux mêmes : un seul sujet dénie l’importance de la dimension de transcendance dans un processus de développement psychologique, alors que les dix-neuf autres affirment que sa présence contribue de façon évidente à accélérer la croissance des personnes ; il est par conséquent jugé légitime que PRH n’évacue pas cette dimension de son schéma de référence et lui fasse une place, aussi discrète qu’essentielle.

La raison principale (quinze fois citée) donnée par nos sujets, concerne le rôle de la transcendance dans l’évolution psychologique des personnes. La prise en compte de cette dimension favoriserait la découverte du sens de sa vie, permettant une « guérison » plus rapide des blessures psychologiques de la personne, dans la mesure où cette dernière est orientée vers un but précis à atteindre, en vue d’un accomplissement individuel. En effet, la dimension de transcendance, en tant que centre de référence à un Autre, ou à des valeurs humaines universelles, contribue à la quête de sens, et donne une signification plus ouverte au travail de développement personnel, autorisant les personnes à prendre au sérieux leurs aspirations profondes, et à garder une foi absolue en l’éminente dignité de l’être humain :

« Je suis sûre que c’est un aspect déterminant dans la croissance de la personne. (...) Le fait qu’elle vive une relation explicite à une transcendance, quelque soit la transcendance, est facteur de croissance et source d’avancée » (M. 15). ’ ‘ « Je crois qu’elle est incontournable (...) L’unification de la personne ne se fait pas qu’avec un outil de travail (l’analyse) parce que justement elle ferait de l’homme sa propre origine, et donc son propre guérisseur. (...) L’ouverture à la transcendance me fait réaliser que je ne suis pas maître de moi, de mon histoire. (...) Il y a toute une part qui s’ouvre et qui me guérit, qui m’étonne moi-même » (M. 13).

Nous avions déjà fait observer auparavant que cette dimension de transcendance n’était pas explicitement nommée à PRH, afin de laisser les utilisateurs libres de leurs propres croyances, qu’il soient chrétiens, musulmans, bouddhistes, athées... En effet, il est précisé que cette transcendance peut être assimilée à un Dieu, mais peut aussi plus simplement représenter des valeurs fondamentales (la justice, l’amour, l’égalité ) auxquelles la personne croit, et qui fondent le sens de sa vie et de ses actes.

N’en déplaisent aux idéologies ou aux philosophies qui dénient toute existence à de telles valeurs universelles et transcendantes, PRH postule leur radicale légitimité et leur véracité, allant à l’encontre de bien des analyses théoriques, qu’elles soient matérialistes, nihilistes, ou radicalement pessimistes.

Il est évident que les sujets interrogés n’appartiennent pas à ces courants de pensée, et tiennent à affirmer clairement leur identité chrétienne. Ainsi, trois d’entre eux considèrent que cette dimension de transcendance, au delà des croyances, est une réalité qu’il importe d’intégrer comme un élément concourant à la croissance des personnes, sans la dévaloriser ni lui donner une place exagérée :

« Ça rentre dans ma conception de la vie, c’est pour ça qu’elle est fondamentale et surtout elle coïncide avec mon expérience humaine, je vérifie que ce postulat, cette hypothèse, correspond à ma réalité » (M. 17). ’ ‘ « Ça a été essentiel. Même pour les personnes pas croyantes, ou qui se disent non pratiquantes, et que j’écoute, je me rends bien compte qu’il y a une référence à un au delà d’elles mêmes (...) même si elles ne le nomme pas , je l’entends » (M. 14).

En outre, deux sujets valorisent cette dimension, sans laquelle l’homme serait livré au relativisme, à l’inconscience et à ses pulsions destructrices :

« Cette notion est essentielle (...) car sinon on risque d’être livrée (...) à beaucoup d’inconscience, à notre folie » (M. 6). ’ ‘ « Je crois que se dire qu’il y a tout ce mystère de la personne qui est intouchable ; Même ces histoires de nazis...je crois qu’au delà de tout ça il y l’éminente dignité de la personne ; ça a été la révélation existentielle à travers ma propre révélation intérieure » (M. 18).

Nous avons ensuite voulu mesurer le degré d’importance de cette transcendance pour les sujets, au cours de leur cheminement psychologique avec PRH.

Là encore, les chiffres sont éloquents, puisque dix-neuf sujets répondent par l’affirmative à cette interrogation plus personnelle, concernant leur relation intime à une réalité transcendante.

Pour 9 d’entre eux, la relation à un Dieu (en l’occurrence le Dieu judéo-chrétien), donne du sens à leur existence, et les pousse à ne pas désespérer d’une nature humaine fondamentalement inachevée sans la relation intime avec son créateur. En effet, l’homme ne pourrait se construire seul, son identité de fils de Dieu lui donnant une dignité absolue au delà des épreuves et des humiliations :

« Le plus déterminant pour moi c’est d’avoir fait l’expérience que par cette ouverture à cette transcendance, que j’appelle Dieu, ma vie n’était pas vide, que la perception de cette transcendance m’invite à une collaboration active à ma croissance et me rend extrêmement responsable de mon développement » (M. 15). ’ ‘ « Ça donnait une autre dimension, un sens à ma vie. Je n’étais plus là pour souffrir et voir souffrir les gens. Il y avait cette espérance de la vie après la mort, il y avait cette espérance qu’on avait quelque chose à faire sur terre, qu’on était pas là par hasard, qu’on avait quelque chose d’important à vivre » (M. 16).

Nous retrouvons ensuite, appliquée à leur propre vie, les considérations plus générales décrites auparavant. En tant que croyants, la relation à Dieu peuple leur monde intérieur. Il leur paraît donc normal de la prendre en considération dans un travail psychologique, en tant que source inépuisable de dynamisme et de créativité :

« Je ne peux pas me découper en petits morceaux. Je suis croyante, ma relation à Dieu est importante, à travers cette relation à Dieu c’est la relation à toute l’humanité et à moi même. Pour moi c’était important au départ, quand j’ai entendu parler de PRH, que je sache que la relation de transcendance était importante (...) de même que cela avait été fondé par un prêtre. Pour moi ça a été décisif pour oser me lâcher dans cet outil » (M. 14). ’ ‘ « Ce qui a été plutôt important, c’est de découvrir une école qui se voulait psychologique et qui faisait droit à cette transcendance. J’étais chrétien, et ça m’aurait gêné (...) de côtoyer une école psychologique qui aurait mis un doute fondamental sur cette dimension » (M. 11).

A la question suivante en revanche, qui portait sur la place de cette dimension, qui figure sur le schéma dans les soubassements de l’être, nos sujets ont apportés des avis plus mitigés.

Si une majorité (treize) trouve que cette place se justifie globalement, cinq jugent qu’elle est mal située, et une personne est sans opinion sur ce point.

Neuf sujets confirment la place de la dimension de transcendance, située au niveau de l’être dans le schéma de la personne. Ils reconnaissent l’avoir éprouvée de façon très intense dans ce lieu le plus intime d’eux mêmes :

« Je suis persuadée que la personne n’est pas un être fini qui se donne à elle même mais qu’elle reçoit sa vie de quelqu’un. Elle est justement à la source de cette émergence de l’être ; elle est en même temps coexistence de ce dynamisme de la croissance et du développement de la personne, ça me semble lié » (M. 15). ’ ‘ « Place juste et je la vérifie comme une expérience personnelle ; C’est bien là, au niveau de mon ventre, je sens en moi, à chaque fois que j’ai tendance à m’endormir sur mes lauriers, très vite je sens que je suis réveillée par l’esprit saint pour continuer la route » (M. 14).

Quatre sujets ont en outre ajouté que cette place, qui se justifie pleinement, ne doit pas étendre son influence et son importance, afin de garder cette discrétion qui respecte les convictions de chaque participant :

« Dans la mesure où elle n’est pas plaquée, où elle est annoncée avec discrétion et subtilité, et qu’on avance pas trop vite en utilisant des mots du genre « Dieu », ou autre, pour respecter le processus d’émergence de chacun (...) Une trop grande publicité autour de cet aspect là ne respecterait pas les rythme d’émergence de la psyché humaine, précipiterait les choses » (M. 17). ’ ‘ « Je pense qu’il faut surtout pas la développer, surtout pas la nier. Moi j’aime bien qu’on laisse la liberté, mais qu’on la dise » (M. 9).

Enfin, trois autres ont précisé que si cette place est légitime, elle devrait également figurer dans toutes les instances, puisque Dieu, présent partout, n’est pas réductible à l’être de la personne :

« Dans ma conception des choses, Dieu est partout et crée tout (...)Ce qui fait la personne, c’est l’unité entre le corps, la sensibilité, tout cela. Donc Dieu, ou la transcendance, elle agit aussi bien dans le corps en créant, en suscitant à chaque instant les cellules, les battements du coeur (...) elle est présente partout ; le fait que ton coeur bat, c’est l’être, le fait que tu penses, c’est l’être. Donc ce n’est pas déconnecté » (M. 20).

Cette dernière réponse fait la transition avec les critiques que nos sujets ont ensuite émises sur la juste place de cette dimension. En effet, le schéma de la personne tout entier, et plus spécifiquement la transcendance, sont trop vus uniquement en immanence et pas assez en altérité. Selon deux sujets, Dieu n’est pas uniquement perceptible dans « l’être » ; or, PRH pourrait laisser croire que la transcendance se découvrirait dans ce « lieu » précis de l’homme. Cette conception pourrait aboutir à des effets dangereux, dans la mesure où les personnes seraient amenées à interpréter toute sensation de leur « être », comme des inspirations divines :

« Dans cette topologie on a l’impression que la présence divine, la parole de Dieu sur la personne ne s’exprime que par l’intermédiaire d’une approche qui est celle des réalités d’être, ce qui peut être aussi assez prétentieux de la réduire à cet endroit là » (M. 5) ’ ‘ « On retombe toujours sur le même problème, c’est ce foutu risque de l’analyse (...) j’ai vu des personnes dire « j’ai accueilli Dieu avec certitude », parce que dans leur analyse du matin Dieu leur disait ceci ou cela. Je suis convaincu que Dieu peut parler au corps de l’homme, mais c’est l’absolutisation de ce type de propos que la méthode peut entraîner à faire » (M. 10) ’ ‘ « Je trouve qu’il y a des ambiguïtés dans la manière dont la transcendance fonctionne à PRH, et en particulier trop en immanence et pas assez en altérité » (M. 11)

Deux autres sujets pensent quant à eux que la dimension de transcendance, par sa nature radicalement universelle et mystérieuse, ne peut justement être localisée sur un schéma psychologique de l’être humain.

Enfin, une personne considère que PRH devrait annoncer son identité chrétienne de façon claire, non pour limiter la formation au seul public chrétien, mais pour afficher ses référents théoriques et anthropologiques :

« Je trouverais plus juste que PRH dise : nous sommes fabriqués par un prêtre, c’est un outil que tout le monde peut utiliser mais c’est un outil chrétien. Ce qui m’a gêné, c’est que ce ne soit pas annoncé » (M. 1).

Après avoir analysé ce qui à nos yeux constituent les repères axiologiques les plus fondamentaux à PRH, nous avons souhaité évaluer la positivité de leur influence sur les utilisateurs.