2. Unité Existentielle Ou Reconstruction Artificielle ?

Au demeurant nous avons voulu vérifier la solidité de cette unité à laquelle, nous l’avons vu, la formation PRH conduit. Nous souhaitions en effet détecter si celle-ci permettait effectivement aux utilisateurs d’accéder à une unité profonde et personnelle, ou si PRH ne proposait qu’une mise en cohérence rationnelle et artificielle du vécu des personnes.

Or, nous remarquons que si pour dix-huit sujets cet outil atteint bien son objectif, permettant aux personnes de reconstruire une unité dans leur existence, neuf admettent en même temps que cette unité est potentiellement porteuse d’illusions.

D’une part PRH (notamment grâce à la méthode des TPA et de l’analyse de sensations), conduirait à une expérience de solidité identitaire, (et non seulement à une connaissance théorique sur soi) ; d’autre part celle-ci se vérifierait par une modification des comportements extérieurs. La personne déploierait ainsi une capacité à exister face aux autres et à intégrer son histoire individuelle, dans ses richesses et ses limites. Onze sujets ont ainsi approuvé cette explication et témoignent de cette unité existentielle véritablement éprouvée. Citons quelques propos particulièrement révélateurs :

« Elle (cette unité) s’appuie sur des postions prises dans les différents groupes auxquels j’appartiens (...) qui ont pu gêner ou créer des évolutions (...) mais que j’ai prises avec solidité, et qui ont porté leurs fruits après coup » (M. 6). ’ ‘ «Avec l’accompagnatrice que j’ai eu j’ai été tellement loin(...) et les difficultés que j’ai eu à traverser depuis quatre ou cinq ans, montrent de toute évidence à quel point l’unité et la construction ou reconstruction de ma personne ont été faites en profondeur. Avec ce que j’ai eu à vivre, si je n’avais pas fait ce travail là c’est sûr que je m’écroulais » (M. 14).

De plus, le schéma de la personne, comme nous avons pu le constater à de nombreuses reprises, serait non seulement explicatif, mais très chargé symboliquement ; il contribuerait de façon déterminante à l’unification de la personnalité des sujets, en vue d’une harmonisation globale de leur vie. Six d’entre eux confirment cette explication :

« Cette topographie a été importante, moi avec mon esprit cartésien, c’est quelque chose qui me plaît beaucoup ! » (M. 7).

Enfin, un seul sujet note que la méthode PRH invite à une reviviscence des émotions, à une catharsis réelle grâce à l’analyse des sensations et au travail entrepris dans la relation d’aide individuelle.

Le caractère très expérimental de la formation, qui s’appuie sur un travail d’analyse du ressenti et non sur une simple réflexion théorique, autorise les sujets à affirmer que l’expérience d’unité qu’ils ont faite grâce à PRH est une réalité. Celle-ci se manifeste en outre par une évolution effective de leur personnalité et par des mutations décisives opérées dans leur vie.

Cependant, cette unité pourrait aussi ressembler davantage à un enfermement dans un cocon protecteur, ouvrant la porte à de possibles et regrettables dérives dans l’utilisation de la méthode.

C’est ainsi que quatre personnes évoquent un danger possible à PRH, celui de maintenir les utilisateurs dans leur rêve, leur faisant ainsi courir le risque de se projeter dans leurs aspirations, et de vivre dans l’illusion d’une vie idéale :

« Un phénomène qui peut se produire c’est de se projeter dans les aspirations. Il y a une grosse marge entre la réalité et les aspirations de la personne. Et là la personne est dans l’illusion. (...) C’est comme l’idéal, c’est aussi un moteur. Le problème, c’est si on vit dedans et pas dans le réel » (M. 12). ’ ‘ « PRH peut, par les lumières qu’elle apporte, par son influence, entraîner les gens dans une espèce de nimbes, de nuages, d’illusions, c’est possible » (M. 17).

De même, quatre sujets réitèrent un reproche longuement analysé dans notre chapitre sur les référents théoriques PRH : le schéma étant très intégrateur, si les dimensions de rupture et de manque sont évacuées, apparaît le danger de demeurer dans un système fermé et utopique d’où seraient exclues les pulsions et les contradictions propres à la nature humaine.

Enfin, trois personnes soulignent à juste titre que les utilisateurs qui ne passent pas par l’étape de catharsis et par l’émergence des émotions que propose PRH, risquent de se limiter à une compréhension superficielle et intellectuelle d’eux mêmes.

Un seul sujet a évoqué le danger qui guette les formateurs de rester enfermés dans le cocon de leur réseau professionnel, et d’appauvrir ainsi leur perception du monde et des réalités.

Nous ne nous attardons pas sur ces remarques, venant confirmer celles que nous avons étudiées dans les chapitres précédents ; Il nous faut bien plutôt maintenant recueillir les conclusions de nos sujets quant au degré d’efficacité de cette formation, et proposer une appréciation mesurée de ses atouts comme de ses limites.