Conclusion De La Deuxieme Partie : La Méthode PRH Et Son Impact Sur Les Utilisateurs

Au terme de cette analyse des facteurs d’efficacité de PRH et de ses effets sur les utilisateurs, nous avons été amenés à confirmer certaines de nos hypothèses préalables (la majorité), et à en infirmer quelques unes.

Ainsi, il s’est avéré exact que les outils méthodologiques, fondés essentiellement sur la méthode des TPA et sur celle de l’analyse de sensations, tenaient une place prépondérante dans l’organisation et l’efficience de la formation PRH.

Nous avons observé comment, malgré une faible importance des facteurs relationnels (exception faite du rôle essentiel joué par le formateur dans la transmission de l’outil et dans l’accompagnement des personnes), les outils praxéologiques propres à PRH, mis en oeuvre dans le cadre ritualisé d’une session, produisaient les effets escomptés par la formation.

En effet ceux-ci, aisément transférables à d’autres situations, et utilisables de façon autonome dans la vie quotidienne des utilisateurs, contribuent globalement à réaliser les finalités de la formation en terme de croissance personnelle et sociale, de gestion des souffrances psychologiques, et d’accomplissement de la personne dans un axe d’action accordé à sa personnalité et ses désirs fondamentaux.

Les limites de ces outils nous sont toutefois apparues très clairement et nous en avons distingué deux types : les limites constitutives, légitimes dans la mesure où toute méthode s’inscrit dans un champ d’action et de compétences précis, et les limites que nous appellerons temporelles, considérées par les sujets comme d’éventuelles sources de risques et comme des domaines explicites d’évolution des pratiques didactiques.

C’est ainsi que les TPA, alliée à la méthode d’analyse des sensations, sollicitent l’intelligence et font appel à des processus mentaux ; certes ceux-ci sont reliés à la capacité de décrypter les sensations internes à contenu psychologique, mais ils nécessitent un apprentissage méthodique sophistiqué, et demeurent ainsi difficiles à intégrer pour certaines personnes.

Cette limite, sans doute regrettable pour les publics peu enclins à utiliser de tels processus, fait néanmoins partie intégrante de la méthodologie propre à PRH, et en détermine les domaines d’intervention. Même si des efforts pourraient sans doute être opérés dans la formulation des TPA afin que ces derniers mettent d’avantage les personnes en contact avec leur vécu émotionnel, PRH doit continuer à mettre en oeuvre ces outils didactiques, jugés efficaces par la grande majorité des sujets interrogés.

Le nouveau président de PRH France, Jean-Michel ANOT nous confirmait d’ailleurs que si ‘« PRH s’adresse potentiellement à tout être humain de toute culture et de toute race, ce n’est pas pour cela que tous s’y retrouvent ! Parce que là intervient justement une affaire de choix de pédagogie. Si vous cherchez une pédagogie de connaissance et de développement de soi à partir du corporel, vous ne viendrez pas à PRH parce que vous serez malheureuse comme une pierre. Vraiment le physique et le corporel à PRH...Mais bon, c’est pas nous, PRH n’est pas la panacée, il y a d’autres approches pour que justement tout homme puisse trouver ce qui lui convient »’. 275

En revanche, une des limites repérées à de nombreuses reprises concerne le mode d’utilisation de l’analyse des sensations typiquement PRH, qui porte en elle le risque d’enfermer les personnes dans une attitude dogmatique vis à vis d’elles mêmes. Il est dit en effet de façon trop catégorique que l’analyse dévoile une vérité et permet d’accéder au « réel », terme dont nous avons souligné la dangereuse ambiguïté. La place de la relation à autrui est donc insuffisamment valorisée dans ce pôle praxéologique, et nous verrons qu’à tous les niveaux de la formation, cette limite est présente et provoque des conséquences négatives.

Néanmoins, le champ des pratiques éducatives reste une des plus grandes forces de la formation PRH, et nous avons pu remarquer à quel point un consensus général s’était dégagé de cette analyse.

Si l’étude des repères théoriques PRH, essentiellement observé à travers la représentation des cinq instances de la personne et de leurs fonctionnements, ne nous a pas permis d’aboutir à une opinion aussi consensuelle concernant la pertinence et à la force symbolique du schéma présenté, nous avons cependant mis à jour un système cohérent d’appréhension des mécanismes psychiques, particulièrement efficient dans un début de cheminement individuel.

Sa simplicité et son aspect hautement symbolique, tant dans les images employées que dans le contenu des réalités psychiques envisagées, constituent la grande force de ce schéma. Paradoxalement ses principales limites sont aussi imputées à une trop grande simplification des structures psychiques, et à un manque de formalisation plus conceptuelle de ses différentes instances.

La mise en perspective des concepts PRH avec certaines notions utilisées en psychanalyse a fait apparaître ce que nous considérons comme une dérive possible du système explicatif PRH : édulcorer la nature profondément désirante et pulsionnelle de l’homme, en évacuant le caractère dynamique de celle-ci. En effet, le système explicatif PRH, qui fait une moindre place à l’inconscient et à sa dimension fantasmatique et instinctive, renforcerait l’image d’un homme idéal, réalisant les objectifs d’harmonie, d’ordre, et finalement de maîtrise de soi de la méthode. Or, si ceux-ci gardent toute leur légitimité, il n’en demeure pas moins qu’ils induisent une vision restrictive de l’homme, que nous nous permettrons d’interroger et de faire dialoguer avec des penseurs, philosophes essentiellement, dans la lignée du Personnalisme.

Pourtant, nous avons vérifié à quel point PRH permettait une auto-découverte des qualités et des talents des personnes, et en favorisait l’actualisation dans des domaines très concrets de leur vie. Ce schéma a donc bien une force de prégnance positive, et les dimensions d’être, de conscience, et de transcendance, (qui toutes renvoient à des réalités aussi bien psychiques que métaphysiques) concourent à ouvrir la personne au mystère de son identité, irréductible à toute compréhension et à toute analyse purement psychologique.

Là encore, c’est le caractère facilement transférable des concepts théoriques utilisés à PRH, qui font de son étayage « scientifique » un pôle riche et intéressant, autorisant très concrètement les personnes à croire en la possibilité d’évoluer personnellement, en leur éducabilité fondamentale. Ces concepts se situent en effet à la frontière de plusieurs disciplines, et leur caractère transversal offre une multiplicité d’applications dans la vie des sujets. Le concept d’être par exemple, tout en rendant perceptible l’idée d’unicité de la personne humaine, nous ouvre également à la dimension mystérieuse et « non inventoriable »de l’homme. C’est pourquoi ces référents théoriques ont une valeur pédagogique très forte, permettant aux personnes de se comprendre dans leur globalité, et non de façon parcellaire.

PRH dispose donc d’un pôle très étayé de repères théoriques d’ordre psychologique qui, malgré les limites évoquées, produit du sens et contribue à une unification et à une actualisation de la personnalité des individus.

Enfin, le pôle des repères axiologiques, malgré sa richesse et sa diversité, nous est apparu comme le plus discutable. En effet, la vision de l’homme présentée, la conception de l’agir essentiel et de la transcendance, et la tentative d’harmonisation de la personnalité, pour positives qu’elles puissent paraître, se révèlent contestables en de nombreux aspects.

Ainsi, si nos sujets ont effectivement perçu la portée humaniste profondément altruiste et sociale des finalités de la formation et de ses valeurs fondamentales, et s’ils s’accordent à en reconnaître les bienfaits régulateurs, ils en dénoncent tout à la fois l’idéalisme sous-jacent, la rigidité, et l’illusion dans laquelle celles-ci risquent de maintenir les utilisateurs les moins avertis.

PRH laisserait croire que la personnalité et la vocation se découvriraient essentiellement dans un effort de recentrement sur soi, et dans l’émergence progressive d’une essence originelle qu’il importerait de retrouver au coeur de son « être profond ». Dans cette conception, la place de l’environnement culturel et social semble extrêmement gommée au profit d’un idéal de vie harmonieuse d’où la confrontation et le conflit, considérées comme des réalités néfastes, sont évacuées.

Notre analyse philosophique de l’anthropologie spécifique à PRH, qui s’enracine aussi bien dans son schéma de référence que dans les repères axiologiques que nous venons de citer, nous permettra d’approfondir ces réflexions, en les étayant de comparaisons avec les concepts que des philosophes de l’éducation comme MARITAIN ou MOUNIER ont si justement su expliciter.

Nous pourrons alors seulement apporter une conclusion définitive quant à l’efficience de PRH, qui, au terme de cette analyse pratique, nous semble parfaitement répondre aux critères du modèle éducatif, tels que Philippe Meirieu les détermine :

« L’exigence pédagogique consiste précisément à toujours tenter de clarifier la nature du modèle que l’on utilise en interrogeant de la façon suivante la pertinence des trois pôles que nous venons de pointer :

Après avoir interrogé de la sorte la formation PRH, nous concluons que ce modèle est cohérent puisqu’il repose sur trois pôles tous trois très étayés, et qu’il vise notamment des finalités éducatrices très déterminées ; certes, ils ne sont pas équilibrés parfaitement. Nous constatons en effet une nette prédominance des pratiques méthodologiques sur les fondements théoriques et axiologiques. Cependant, PRH atteint de façon générale ses objectifs, puisqu’il concoure à la croissance des personnes et dans une moindre mesure, les autorise à traverser des épisodes thérapeutiques, en vue du développement global de leur personnalité.

Il ne nous reste alors plus qu’à inscrire ce mouvement éducatif dans une tradition philosophique, en proposant une formalisation plus conceptuelle de son anthropologie, afin de pouvoir répondre de façon définitive à nos hypothèses préalables et de confirmer de la sorte l’efficience du modèle PRH, déjà démontrée en de nombreux aspects.

Notes
275.

Entretien avec Jean-Michel ANOT, Mai 1997, Mouveaux.

276.

Philippe Meirieu, « Le modèle et le pédagogue », in Le groupe familial n° 129, Octobre 1990.