1. Amour : Charité Et Gratuité

Maurice BLONDEL affirmait : ‘« L’être est amour, l’on ne connaît donc rien si l’on n’aime pas. Et c’est pour cela que la charité est l’organe de la parfaite connaissance (....) S’exclure de soi par l’abnégation, c’est donc engendrer la vie universelle en soi (...) Seule la charité, en se plaçant au coeur de tous, vit au-dessus des apparences, se communique jusqu’à l’intimité des substances et résous entièrement le problème de la connaissance et de l’être »’ 367.

BLONDEL emploie ici le mot charité pour désigner l’amour : notion à résonance particulièrement chrétienne, la charité est l’amour-don, l’amour qui tend vers l’autre et non l’amour érotique. C’est l’amour profond décrit par le fondateur de PRH. La relation intime entre la notion de personne et celle d’amour dans tout rapport éducatif s’inscrit dans un système de référence aux valeurs chrétiennes et métaphysiques présent à la fois chez MARITAIN et chez MOUNIER.

L’amour n’espère pas la disparition de l’autre dans un processus de fusion. Bien au contraire ‘« L’amour authentique n’est pas seulement ce qui unit il est aussi ce qui distingue, ce qui situe »’ 368 et permet la lucidité et une approche juste de l’enfant. C’est ‘« l’aveugle extralucide »’ dont parlait MOUNIER. Selon ROCHAIS, cet amour qui s’inscrit dans l’être sait se faire attentif au positif de l’autre, et lui en révéler l’unicité, tout en respectant sa radicale différence.

Nous soulignons aussi l’audace d’un BLONDEL dont la voix en pleine période scientiste n’a pas été assez entendue pour corriger l’absolu du Freudisme dans sa lecture de l’affectivité traitée trop simplement comme l’actualisation du désir.

BLONDEL présente ici l’amour comme le fondement ontologique de la connaissance. Cette position est vérifiée unanimement auprès des enfants abandonnés et considérés ensuite par les psychologues comme étant abandonniques369. L’échec scolaire comme la marginalisation sociale ne seront dépassés que dans la réussite d’une relation éducative où l’enfant redécouvrira qu’il est sans doute un être aimable, digne d’un regard identifiant. Celui-ci fait entrer l’enfant dans une vision juste de lui-même et lui fait pressentir l’émergence d’un pouvoir de compréhension et de maîtrise des forces qui le traversent : c’est précisément le don ontologique de sa liberté.

Notes
367.

Maurice BLONDEL, L’Action, Paris, P.U. F. , Ed. 1983, p. 443 et 444.

368.

Jean LACROIX, in, « MOUNIER éducateur », n° spécial Revue Esprit, décembre 1950, p. 839.

369.

« Ce serait amoindrir le rôle du maître que de voir en lui un stérile accoucheur des intelligences : il apporte la vie et l’amour ; et la communication des pensées est une image de l’union qui féconde les corps », Maurice BLONDEL, L’Action, cité par Yvette PERICO, Maurice BLONDEL , Paris, Ed. Universitaires, 1991, p.127.