1. Ecueils Et Risques De L’éducation

Bien évidemment, dans la réalité de l’acte éducatif, il n’est pas facile de passer entre les deux écueils ‘« de l’autoritarisme et du relâchement »’ ³⁷⁷ dont parle MOUNIER, entre une action totalitaire ou trop protectrice. Que risque-t-il de se produire ?

Tout d’abord, l’enveloppement d’amour des parents, nourriture vigoureuse donnant à la personne le goût de se risquer et d’affronter le monde en se tenant droit dans l’existence, peut devenir une couche protectrice d’affectivité emprisonnante, créant un être peureux, peu enclin à exister totalement.

MOUNIER évoque cette éventualité dans son Traité du Caractère dans un chapitre consacré à l’ambiance familiale :

‘ « la chaleur affective dont les parents, normalement entourent le jeune enfant (....) restera une des grandes ‘nostalgies’ de l’âge adulte, surtout quand l’enfance aura été heureuse. L’adaptation à une sociabilité plus rude et moins prévenante est une des étapes décisives de la maturation. Une enfance trop heureuse ou trop choyée ne prépare pas toujours cette virilisation, et favorise chez l’adulte les mythes régressifs, le regret érigé en philosophie de la vie ou en système politique » ³⁷⁸ . ’

De plus, il n’est pas facile pour un éducateur d’accepter la personne telle qu’elle est et de désirer l’émergence de la liberté :

‘ « Accepter l’être, c’est accepter qu’il y ait, devant moi, de l’autre que moi-même et dans l’être, de l’autre être que l’être actuel. Nous tenons là une puissance positive de mouvement : la plénitude non actuelle, mue par sa surabondance intime. L’idée de plénitude créatrice occupe une situation centrale dans l’ontologie. Elle exprime à la fois l’abondance et le manque qui caractérisent notre expérience de l’être » ³⁷⁹ . ’

Fuir le manque est un leurre. Réussir à le combler en est un autre. Le rapport à l’autre renvoie douloureusement l’éducateur à son propre vide, qu’il importe d’assumer et de dépasser si l’on veut entreprendre une oeuvre éducative.