2. La Famille : Richesse Et Insuffisances

Le premier réseau relationnel de la personne, sa première cellule éducative demeure le plus souvent celle de la famille ou ce qui lui sert de substitut.

Or, ‘« la famille ne s’échange pas »’ 380. Elle est donnée arbitrairement et se présente comme une ‘« aventure humaine mêlant au hasard d’une loterie les caractères et les destins et demandant à chacun de résoudre le problème chaque jour nouveau de leur existence »’ 381.

La famille, si elle doit en principe être terre de croissance, se voit exposée aux difficultés relationnelles et aux névroses de chacun, particulièrement lorsque l’amour ne s’exprime pas. Certes, celui-ci est toujours à reconquérir, à réaliser ; il n’est pas objectivement donné pour toujours. L’amour est cette action continue dans laquelle chacun s’efforce d’accueillir la transcendance afin de dépasser ses tendances individuelles.

Mais, ‘« Le métier d’éducateur, qui est un métier d’amour, est envahi de sadiques légers »’ 382 ironise MOUNIER exprimant par là l’ambivalence profonde des comportements de l’adulte envers l’enfant, souvent signe du déséquilibre des personnes :

« le goût des enfants, chez l’adulte peut ne s’adresser qu’à leur faiblesse (...) c’est une inadaptation à la vie adulte, le refuge vers un monde élémentaire et sans concurrence (...) C’ est le besoin des faibles d’exercer souverainement leur autorité ; c’est une avidité de tendresse excessive dont l’indiscrétion peut provoquer chez l’enfant de dangereuses fixations affectives » 383 .

Une trop forte attirance peut ainsi paraître suspecte.

D’autre part, ‘« l’indifférence ou l’aversion pour les enfants révèle d’autres traits : ressentiment contre la jeunesse, d’une vie impuissante ou aigrie (...) ce n’est jamais un indice d’humanité »’ 384.

Toutes ces attitudes potentiellement réalisables peuvent entraver la croissance. En effet, l’éducateur n’est pas à l’abri de tout dérapage. Il n’est pas un homme accompli, sinon en perpétuel devenir.

La famille, première terre d’éducation, ne peut oeuvrer seule au développement de la personne : elle risquerait de restreindre la conscience en donnant à celle-ci une vision parcellaire et tronquée d’elle-même et du monde.

Comment pallier ces insuffisances et éviter les écueils précédemment explicités ?

Notes
380.

E. MOUNIER, Traité du Caractère, op. cit. , p. 95.

381.

Ibid., p. 96.

382.

Ibid., p. 99.

383.

Ibid., p. 94.

384.

Ibid., p. 95.