Chapitre III 
quelle Éducation, Pour Quel Type D’homme ?

I. La Dimension Communautaire De La Personne

A. L’épanouissement Personnel : Individualisme Ou Personnalisme ?

Nous voudrions ici distinguer clairement le sens du développement de la personne envisagée dans une philosophie personnaliste, de celui donné à « l’épanouissement personnel » dans une conception individualiste, cette dernière se trouvant aux antipodes des finalités sociales et humanistes du courant représenté par MARITAIN et MOUNIER. Nous verrons comment la formation PRH peut s’articuler autour des concepts forts du personnalisme. En cela nous souhaitons répondre aux détracteurs de PRH souvent trop prompts à accuser la formation de maintenir les personnes dans une attitude « égocentrée» les rendant insensibles à toute opinion venant par trop rompre la logique du système théorique PRH.

Tout d’abord, il faut rappeler avec MOUNIER que si ‘« le premier souci de l’individualisme est de centrer l’individu sur soi, le premier souci du personnalisme de le décentrer pour l’établir dans les perspectives ouvertes de la personne »’ 395.

L’individualisme est ici défini comme l’attitude de l’homme qui n’a pas eu accès à la dimension personnelle, telle que nous l’avons décrite dans notre premier chapitre. L’éducateur qui ne s’adresserait qu’à l’individualité de la personne reviendrait à exacerber les tendances au repliement sur elle même et sur ses propres besoins (physiologiques, psychiques...), sans ouvrir celle-ci à sa capacité d’accueil de l’autre et au dépassement de l’égoïsme.

L’erreur selon MARITAIN pourrait être double : en effet, ‘«il y a des éducateurs qui confondent la personnalité avec l’individualité, et qui prennent le simple déploiement de l’individualité pour le développement de la personnalité. En réalité, la personnalité signifie intériorité à soi même ; ce royaume de l’autonomie internelle grandit dans la mesure où la vie de la raison et de la liberté domine sur celle de l’instinct et des désirs des sens. (...) Mais l’individualité signifie l’ego matériel, dont le déploiement consiste à donner libre cours aux poussées irrationnelles qui l’habitent. Alors, tout en se faisant le centre de tout, l’ego se disperse en réalité parmi de pauvres désirs ou des passions irrésistibles, et se soumet finalement au déterminisme de la matière »’ 396.

Pourtant, il serait tout autant regrettable de nier la part d’individualité de chacun, et d’aboutir à une rationalisation à l’extrême de la personne, la moulant à un conformisme despotique :

« Au lieu d’une personnalité humaine authentique, portant le sceau de la face mystérieuse de son Créateur, paraît alors un masque, celui de l’homme conventionnel ou de la conscience confectionnée en série et estampillée » 397 .

En regard de cette vision close de la recherche d’identité, MOUNIER oppose une conception séduisante et optimiste de la communication entre les consciences, considérée comme un ‘« fait primitif »’ 398. C’est pourquoi la personne apparaît à MOUNIER comme ‘« une présence dirigée vers le monde et les autres personnes, sans bornes, mêlée à eux, en perspective d’universalité. Les autres personnes ne la limitent pas, elles la font être et croître. Elle n’existe que vers autrui, elle ne se connaît que par autrui, elle ne se trouve qu’en autrui. L’expérience primitive de la personne est l’expérience de la seconde personne (...) toutes les folies sont un échec du rapport avec autrui, - alter devient alienus, je deviens à mon tour étranger à moi-même, aliéné. On pourrait presque dire que je n’existe que dans la mesure où j’existe pour autrui ,et à la limite, être c’est aimer »’ 399.

Notes
395.

E. MOUNIER, Le Personnalisme, in Oeuvres complètes, Tome III, p. 453.

396.

J. MARITAIN, Pour une philosophie de l’éducation, op. cit., p. 48.

397.

Ibid., p. 49.

398.

E. MOUNIER, Le Personnalisme, in Oeuvres complètes, op. cit., p. 453.

399.

Ibid., p.453.