C. La Communauté, Milieu Éducatif

Mais en quoi cette « réunion de personnes autour de valeurs communes » peut-elle favoriser l’émergence de l’identité de la personne ?

En premier lieu, il faut préciser qu’au sein d’une communauté amicale et vivante, la personne sort de son carcan familial et découvre le poids du lien social et l’affrontement à l’altérité ; elle prend conscience qu’elle appartient à un univers plus large que la cellule nucléaire, que sa culture d’origine. La communauté le fait entrer dans sa dimension d’homme universel, détaché des déterminismes sociaux et étatiques.

En outre, la communauté est un lieu qui permet à l’enfant qui y est attaché, au sein d’un réseau relationnel plus vaste, d’expérimenter son autonomie. Parier sur la liberté de l’enfant revient à lui donner la possibilité de grandir en fermeté et en solidité sans toutefois le départir de sa vulnérabilité et de sa capacité d’accueillir l’autre.

En regard de cette attitude, ‘« l’enfant qui se sent négligé, sacrifié dans la famille a tendance à croire qu’il le sera toujours dans la vie. Il sera un perpétuel infériorisé, déficient de soi, faute de cette assise inébranlable, de cette solidité intime qui établit pour toujours une enfance vécue dans une atmosphère de confiance et d’aide, chacun de ses pas hésitera sur un terrain peu sûr, chacune de ses défaillances lui découvrira un abîme intérieur qu’aucune expérience ne viendra combler. Il aura manqué au moment décisif, l’apprentissage du sentiment de communauté, il mangera pour toujours le pain amer de la solitude »’ . 408 (...) La personne étant par définition centre de relations a besoin pour s’accomplir de l’environnement communautaire.

Concrètement, la communauté correspond souvent à un regroupement de personnes unies par les mêmes valeurs (ici celle du personnalisme). MOUNIER évoque aussi les grandes familles qui créent des micro sociétés poussant l’enfant à se socialiser très tôt :

« l’individu s’y sent enraciné plus que d’autres ; il subit plus fortement la pression des continuités sociales et des traditions collectives, il y est porté vers la vie, dans les meilleurs cas, par une sorte de vaste paix patriarcale » 409 .

Les valeurs propres à la communauté, qu’elle soit familiale ou amicale, permettent la cohésion entre tous les membres. Toutefois, comme le dit Don Bosco « l’éducation est affaire de coeur » et la valeur suprême au sein de l’acte éducatif est bien l’amour ; lui seul permet de se défaire des tendances égoïstes et individualistes, de sortir des relations de pouvoir pour entrer dans l’exposition du face à face, créateur de distinction comme de profonde communion.

L’amour affectif et sentimental s’exprime au sein de la cellule familiale mais l’amour universel s’inscrit aussi dans la communauté. Lieu du partage, celle-ci contribue à éveiller la personne à la vie sociale et aux différences. Terre d’éducation, elle donne à la personne la volonté de s’ouvrir au monde et le libère de la peur.

En son sein la personne pourra prendre conscience des valeurs fondatrices de la vie personnelle et tentera d’incarner l’amour, la justice, la liberté et la vérité dans ses rapports sociaux.

Notes
408.

E. MOUNIER, Le Traité du Caractère, op. cit., p. 100 et 101.

409.

Ibid., p. 105.