A. Finalités Ultimes D’une Éducation Des Adultes Selon André Rochais

Il semble déjà qu'une des directions essentielle de la réflexion philosophique appliquée à l'éducation soit la recherche et le questionnement sur les valeurs et les finalités de la vie :

‘ « L'exigence du questionnement provient de la béance constitutive de l'homme, qui fait qu'il n'est jamais pleinement donné dans son être là, qu'il a à être, autre que ce qu'il est là, en particulier enfant en se développant, en se “formant” (ou transformant)(...).L'éducation (...) destinée à combler cette béance entre être et devoir être, lui est essentielle » ⁴¹⁰ . ’

La fréquentation de MARITAIN et MOUNIER nous a montré à quel point la personne humaine se réalise dans un perpétuel mouvement, qui consiste à transcender le donné et à viser toujours un plus être et un mieux exister. L’éducateur doit porter sur la personne un regard visionnaire et créateur et lui donner les moyens de devenir conscient de son identité et capable de la réaliser dans l’action.

Les fondements anthropologiques de l’outil et ses finalités d’ordre sociales et spirituelles de PRH nous semblent ainsi rejoindre les finalités « personnalistes » de l’éducation telles que MOUNIER les décrivait. André ROCHAIS résumait ainsi les raisons d’être de PRH dans la cassette vidéo « Propos d’un homme ordinaire » :

‘ « PRH est un outil pour se connaître, se vivre en ordre, être efficace, trouver un sens à sa vie et être heureux, pas seul mais avec d’autres (...) ; c’est aussi un moyen pour que les gens deviennent pleinement hommes, pleinement femmes , pour qu’ils puissent réussir leur existence et enfin pour qu’on abîme plus les petits enfants ,qu’ils ne passent pas toute une tranche de leur vie à se récupérer après avoir été abîmé au départ » ⁴¹¹ . ’

Si nous considérons l’aspect « normatif » de PRH, nous ne pouvons nier son caractère profondément pédagogique. Toute pédagogie contient en effet des valeurs et des finalités même si elle refuse de les formuler. Or, l’organisme PRH les a quant à lui distinctement énoncées ; sa didactique s’en trouve renforcée et explicitée vis à vis des publics auxquels il propose ses divers parcours pédagogiques : la manière dont André ROCHAIS conclue son entretien avec Andrée LUMEAU, dans la cassette vidéo « Propos d’un homme ordinaire », révèle d’ailleurs bien les valeurs qui sous-tendent toute la pédagogie de PRH :

‘ « C’est une grande aventure de restauration de l’homme, de progrès de l’humanité. Ces hommes et ces femmes qui se seront retrouvés eux-mêmes , qui auront dégagé qui ils sont ,qui auront libéré leur « agir essentiel », vont se mettre à agir partout et vont transformer les secteurs d’activité dans lesquels ils sont implantés (...) ; ça demandera des siècles .(...) Bien sûr il n’y a pas que PRH qui contribue à cela mais nous y avons une place importante » ⁴¹² . ’

Le chemin PRH vise une transformation de l’individu tout entier. C’est une remise en question de ses options de vie. Si l’on veut être fidèle à son être et aux invitations qu’il propose, on ne peut faire des compromis. Il faut choisir. André ROCHAIS rappelle les exigences éthiques de la formation PRH dans la Note d’Observation citée précédemment. On entre à PRH en mobilisant sa personne toute entière. C’est pourquoi la route est balisée afin que le marcheur ne se décourage pas en voyant l’immensité du chemin à parcourir.

André ROCHAIS n’échappe pas à un certain discours messianique. Conscient de la mission prophétique de PRH, il fait trop facilement l’économie d’une anthropologie éducative. Il a en effet tendance à remplacer cette dernière par une attente messianique, au détriment nous semble-t-il d’un réalisme éducatif.

C’est ainsi qu’il exprime que ‘« la visée à long terme de la formation PRH, c’est la transformation du monde »’ ⁴¹³.

Il demeure persuadé que la personne en formation, par sa propre transformation intérieure, libère en elle des énergies nouvelles et un désir plus grand de donner à son entourage ce qu’elle a découvert de positif en elle :

‘ « Notre visée c’est de libérer en toute personne les richesses de son être et toutes ses potentialités, pour son bien à elle d’abord, mais aussi pour le bien de l’humanité » ⁴¹⁴ . ’

En effet, c’est entraînée par une dynamique de croissance que la personne devient encore davantage ‘« agent de transformation sociale »’ ⁴¹⁵ au sein de sa famille, dans ses relations, son entreprise, etc.

La formation PRH a donc une finalité sociale évidente. Si elle vise, en premier lieu, l’apprentissage d’un mieux-être dans la vie quotidienne, elle ne se satisfait pas de ce premier objectif. La recherche d’un bien-être individuel n’est pas le but de PRH.

André ROCHAIS invitait ainsi toute personne à croire à ses intuitions personnelles, sans se laisser arrêter par des peurs ou des obstacles dus aux avis contradictoires de l’entourage ou à des arguments rationnels. De même, l’outil tend à accompagner les personnes dans la quête de leur identité et d’un plus de sens pour leur vie. Il leur permet de finaliser personnellement cette dernière, en référence à leurs désirs intimes et à leurs propres valeurs.

Trouver du sens à sa vie permet de déclencher ensuite un processus d’ouverture vers le monde et les hommes.

La formation PRH a également une finalité d’ordre spirituel : la découverte de l’être conduit normalement à la perception en soi d’un plus grand que soi, immanent et transcendant à la fois.

PRH n’est pas une école de la foi et ne tend pas à remplacer le mystère de la révélation divine. Elle met simplement les personnes en « condition » pour rencontrer en elles la présence d’un Dieu ou du moins d’un Mystère d’ordre métaphysique.

Ainsi pour MOUNIER, tout comme pour ROCHAIS, toute éducation digne de ce nom doit être enrichie ‘« par la remise en perspective totale de l’homme individuel et social »’ ⁴¹⁶, afin de prendre place au coeur des enjeux du monde.