Une éducation "renouvelée"

En 1921, les personnalités en présence à Calais vivent encore les lendemains du premier conflit mondial, un fait incontournable dont le Nord de la France où se tient le congrès porte les marques visibles. L'Europe est à reconstruire matériellement mais aussi spirituellement, c'est la conviction première qui les guide. Et le rôle de l'éducation, scolaire ou familiale, est déterminant dans cette reconstruction : elle doit contribuer à la réalisation d'un nouvel idéal humain d'amour et de coopération. Certains, comme Decroly, vont plus loin encore et considèrent qu'avec la guerre, l'éducation a fait la preuve de son inefficacité : ‘« La guerre a montré que l'éducation telle qu'elle a été comprise jusqu'ici n'était pas ce qu'elle doit être »’ 23.

Mais la guerre n'est pas seule en cause dans le marasme général, les circonstances socio-économiques portent leur part de responsabilité. Pour le Major Haden Guest24, la guerre de 1914 n'est d'ailleurs pas plus ravageuse que la "guerre industrielle" qui marquait les pays dans lesquels elle a éclaté. Haden Guest ne voit pas d'opposition nette entre une civilisation destructrice et la guerre elle-même. A ses yeux, la seule civilisation constructrice digne de ce nom est celle qui laisse une large place à la faculté de créativité individuelle25. Ce qui manque à chacun, c'est un idéal capable de mobiliser les énergies individuelles vers toujours plus de progrès. Là encore, une éducation idéale reste à élaborer, celle qui saura développer en l'enfant la santé pour le corps, la liberté de penser pour l'esprit et la beauté pour le coeur26.

Devant une situation scolaire jugée déplorable, il n'y a donc pas d'autre solution que dans la modification des méthodes éducatives anciennes, objet de l'ensemble des débats. C'est donc bien d'une éducation "nouvelle" qu'il s'agit, d'une éducation à repenser. Quelles sont dès lors les transformations prioritaires à entreprendre ? Instaurer la coéducation et développer les activités artistiques seront les deux conclusions et ouvertures principales de ce congrès. La coéducation, tous les conférenciers s'y intéressent et ne cessent de la promouvoir, d'en vanter "les mérites" et bénéfices, tout en constatant qu'elle tend de plus en plus à se généraliser. Car, la coéducation comme l'activité artistique sont choses naturelles et donc bienfaisantes.

Notes
23.

« Une expérience de programme primaire avec activité personnelle de l'enfant » in The creative self-expression of the child, op. cit., p. 71.

24.

Représentant du London County Concil.

25.

« The real antithesis is not between a destructive civilisation (such as we had in 1913) and a destructive war, but between a destructive war and a constructive civilisation which is employing creative faculty. That is the civilisation which does not exist, but at which we must aim » (L. Haden Guest, « The liberation of creative faculty by education » in The creative self-expression of the child, op. cit., p. 2).

26.

Id., p. 3.