Repenser la discipline

Au simple relevé des thèmes retenus par les orateurs apparaît l'enjeu majeur des débats : l'articulation de la discipline et de la liberté en éducation. Quel niveau et quelle forme de discipline instaurer dans les écoles ? Et comment permettre la libre expression du potentiel créatif de l'enfant sinon en révisant le fonctionnement de l'école basé sur la contrainte ?

Toutes les discussions échoueront d'ailleurs à définir une position unique, une seule option ne peut être choisie dans l'instant même où la volonté générale s'oriente vers plus de liberté. Pour clore les débats, il aurait fallu dès Calais se mettre d'accord sur le sens de ce terme, établir un consensus sur la notion de liberté. Et en matière d'éducation, s'accorder sur la signification d'un mot, c'est en même temps se limiter et opter pour une forme pédagogique précise. Et cela les personnalités du congrès de Calais ne peuvent le faire sans entamer la belle unité dans la diversité qui sera leur "credo" militant au moins jusqu'en 1932...

Et cela provoquera encore et encore d'autres débats, d'autres polémiques, d'autres congrès. Le 1er août, M. Beltette27 fait une déclaration prophétique de cette situation en laissant entrevoir qu'une ère de plus grande liberté et de moindre discipline militarisée pour les écoles appellera d'autres réunions telles que le présent congrès. Il regrette seulement, dans sa conférence de clôture, que le congrès de Calais n'ait pas émis de voeux plus précis, de principes susceptibles d'applications immédiates et qu'il se soit contenté de la rédaction d' « une charte morale » et de la création d'une « ligue des nouvelles écoles », car ‘« à son avis, le lien est ténu et bien lâche pour amener les réalisations immédiates »’ 28. Néanmoins Beltette veut tirer les leçons des interventions de ces « pionniers audacieux et actifs », mais aussi éminents théoriciens et « autorités indiscutées »29. Beltette ne doute d'ailleurs pas de la concordance de certaines nouvelles réalisations françaises et anglaises avec celles des « pionniers », tels que Decroly, Ferrière ou Montessori : ‘« voilà pourquoi, comparés aux "laboratoires pédagogiques" dont on nous a si magnifiquement ouvert les portes, nos écoles paraissent moins obscures, moins laides, moins monastères, moins casernes et moins prisons »’ 30.

Finalement, les congressistes retiendront de Calais que la discipline de l'école sera désormais basée sur le self-government plutôt que sur une discipline extérieure et donc autoritaire, sur le développement de l'énergie créatrice de l'enfant plutôt que dans l'acquisition de savoirs, et sur une éducation scientifique qui tiendra compte des différences individuelles de nature.

Notes
27.

Professeur, secrétaire de la Fédération des écoles secondaires françaises.

28.

« Conférence de clôture » in The creative self-expression of the child, op. cit., p. 202. (Nous avons introduit des corrections dans cette citation).

29.

Id., p. 201.

30.

Id., p. 203.