Ecole active et spontanéité

« L'Ecole active et l'Esprit de service », tel est le thème choisi pour ce congrès qu'une notice préliminaire développe de cette manière : ‘« Les initiateurs de ce Congrès ont pour but de chercher et de répandre les méthodes d'éducation les meilleures, convaincus que, ce faisant, ils aideront l'enfant à développer ses facultés propres et à leur conférer le plus haut degré possible d'efficacité. En outre, ils assureront ainsi de la façon la plus sûre la formation du meilleur type de citoyen : citoyen de son pays et citoyen du monde. Ces deux idées d'expression de soi et de civisme réunies forment le thème central du Congrès : "L'Ecole active et l'Esprit de service" »’ 59.

Dans son discours inaugural60, avant même de présenter le sujet des discussions aux congressistes, Ferrière redéfinit ce qui constitue selon lui le but et l' "esprit" de la Ligue. Esprit qui, dira-t-il, tient tout entier dans deux mots : "éducation" et "nouvelle". Comment peut se réaliser cette nouvelle et donc meilleure éducation à laquelle travaillent tous les partisans de l'Education nouvelle ? Par l'Ecole active, sera la réponse de Ferrière, autrement dit, "Education nouvelle" équivaut à "Ecole active". Ferrière tentera dans la suite de son discours une définition de "ce qu'est" l'Ecole active par "ce qu'elle n'est pas", ni école « ancien modèle », ni « l'école du travail ». Il établira aussi une filiation directe de l'Ecole active avec des pédagogues précurseurs tels que Rousseau, Pestalozzi et Fröbel. En une phrase, elle est : ‘« l'Ecole où l'activité spontanée de l'enfant est à la base de tout travail »’ 61. On retrouve de cette manière une évidente continuité avec le précédent congrès qui avait fait de la spontanéité de l'enfant le centre de ses discussions. Cette fois, la spontanéité de l'enfant est en quelque sorte "institutionnalisée" par la définition que fait Ferrière de l'Ecole active, elle devient la caractéristique fondamentale de l'Ecole active, et par conséquent de l'Education nouvelle.

Si l'Ecole active est celle de la spontanéité, celle du laisser-agir, elle n'est jamais synonyme de laisser-aller... Pour Ferrière, activité et volonté sont inséparables62. Une activité spontanée qui n'a donc rien à voir avec un activisme éparpillé et confus dès lors qu'il s'agit d'une ‘« action ’ ‘volontaire’ ‘ de l'enfant ’ ‘lui-même’ ‘ »’ 63. Une action volontaire stimulée par le programme d'une école "active" que Ferrière définit par degrés : la base en sera « hygiénique » dans l'attention à la santé du corps et « énergétique » par la sollicitation de la discipline de soi, puis, ce sera l'éducation intellectuelle qui partira des « centres d'intérêts » de l'enfant, et finalement, une ultime étape visera le développement de la « vie morale et sociale ». Ferrière introduit ici l'objet second du congrès de Montreux, l'Esprit de service. Finalement, la question soulevée par le double thème du congrès est celle de déterminer en quoi l'Ecole active peut développer l'esprit de service et de civisme, comment l'Education nouvelle conçoit l'éducation morale et sociale, et comment elle prétend mieux que les systèmes traditionnels réussir la formation de citoyen du monde.

Notes
59.

« Extrait de la notice préliminaire du Congrès de Montreux », P.E.N., n°8, octobre 1923, p. 72.

60.

« Discours d'inauguration », art. cit., pp. 73-79.

61.

Id., p. 75.

62.

Daniel Hameline analyse ainsi la conception d'activité chez Ferrière : « Certes l'Ecole active, annoncée comme l'école de la spontanéité, demeure, chez un Ferrière par exemple, une école de la formation du caractère. Mais la volonté est de moins en moins entendue en termes de contention » (in D. Hameline, A. Jornod, M. Belkaïd, L'école active. Textes fondateurs, Paris, P.U.F., 1995, p. 22).

63.

« Discours d'inauguration », art. cit., p. 75.