Favoriser l'esprit communautaire

Un consensus général semble établi sur les moyens à utiliser : l'Ecole active, l'école de l'entr'aide sera celle qui pourra développer l'esprit de service tout en le pratiquant, preuve que cet esprit est déjà "en" l'enfant. De plus cet esprit de service ne peut que favoriser l'inculcation d'un idéal de paix et de solidarité internationale. C'est en ce sens que, selon Elsa Benedict107, au sein du mouvement de la Croix-Rouge de la Jeunesse, les enfants font la découverte de la réciprocité entre donner et recevoir en se mettant au service des autres.

De même Fadrus108 souhaite que l'Ecole active n'en reste pas à une position trop individualiste mais qu'elle élargisse le champ de conscience des enfants à une dimension communautaire. ‘« Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est l'éducation de l'individu pour la communauté »’ 109. C'est un risque que court l'école nouvelle qui, grâce aux apports de la connaissance psychologique, a réalisé une transformation totale de l'éducation en développant une pédagogie fondée sur la nature de l'enfant, mais sur une nature trop individuelle.

Cousinet110 défend aussi et avec conviction l'idée d'une pédagogie communautaire, qu'il appuie sur une longue expérience du travail libre par groupes, dont le premier effet est de développer l'enfant à la fois socialement et moralement. A Montreux, il est venu expliquer ‘« quelle influence a pu avoir, au point de vue du développement social et moral de l'enfant, le travail organisé par groupes, agissant par sa seule vertu, sans intervention des éducateurs, sans aucune tentative de leur part pour ajouter à cette vertu un effort éducatif ou un enseignement moralisateur »’ 111. Ces deux aspects de l'éducation sont indissociables : l'enfant se moralise dans un processus de socialisation active et il devient socialement actif par moralisation. Mais une liberté de travailler en groupe à qui il ne reconnaît aucune valeur positive intrinsèque : elle n'est ni bonne ni mauvaise. Elle peut être même coupable de maux qui disparaissent dans une liberté plus grande encore...

Tout comme Cousinet, Ferrière ne distingue pas l'éducation morale de l'éducation sociale. L'esprit de service qui résume tout l'objet de cette éducation suivra les différentes étapes de développement de l'enfant. Il lui faudra ‘« s'élever à l'étape du solidarisme, qui est aussi celle de la liberté réfléchie »’ 112. Car, ce n'est pas l'individu mais l'humanité en l'homme qui est fin de l'éducation, et la société est le moyen de ce but. Self-government et entr'aide seront les outils principaux de cette éducation morale facilitée par le goût inné de l'enfant pour la règle. Mais l'organisation d'une bonne communauté de travail, d'« une petite république scolaire », ne suffit pas à construire la moralité d'un enfant. Il y manque l'altruisme : ‘« La loi est la condition de l'amour. Elle en est le cadre. Elle ne le constitue pas. C'est l'amour, l'action altruiste qui remplit le cadre »’ 113. L'enfant sera donc exercé à des occasions quotidiennes d'entr'aide. Pour Ferrière, le devenir moral de l'enfant dépend de son "entraînement" au service des autres, non par obligation mais par « altruisme actif », jusqu'à ce qu'il devienne pour lui comme une « seconde nature »114.

Notes
107.

Directrice de la section américaine des Croix-Rouges de la Jeunesse.

108.

Conseiller au Ministère de l'Instruction Publique de la République d'Autriche.

109.

« L'esprit nouveau dans l'éducation en Autriche », P.E.N., n°8, octobre 1923, p. 105.

110.

« L'auto-éducation et le travail collectif », P.E.N., n°8, octobre 1923, pp. 86-88.

111.

Id., p. 86.

112.

« Discours d'inauguration », art. cit., p. 77.

113.

Ibid.

114.

Ibid.