Naturalisme et typologies

Pour expliquer sa conception de la nature individuelle de l'enfant, Ferrière expose sa classification des quatre types dominants125 : sensoriels, imitatifs, intuitifs et rationnels. Applicable à la phylogenèse comme à l'ontogenèse, à l'évolution de l'espèce comme à celle de l'enfant, Ferrière émet cependant quelques réserves sur cette classification dont il refuse toute utilisation trop « mathématique » même s'il demeure persuadé que chaque individu passe naturellement par quatre phases, dont la dernière, celle du solidarisme ou de la « liberté réfléchie » reste encore à construire. Une liberté réfléchie qu'il définit en reprenant les mots de Montesquieu : ‘« non pas la licence de faire ce que l'on veut, mais le "pouvoir de faire ce que l'on doit" »’ 126. Pour Ferrière, et c'est une constante, la nature humaine se caractérise par sa "non-fin", elle est élan vital, progrès moral, évolution conjuguée de l'individu et de l'espèce. Vision évolutive de l'homme résolument optimiste : il y a malgré tout et malgré chacun, ou par-delà la volonté de chacun, un idéal que l'espèce humaine atteindra. Il y a dans la nature de l'homme comme de l'enfant une dynamique qui le pousse en avant.

Cependant Ferrière se refuse désormais à hiérarchiser entre les différents types qu'il définit et répond ainsi à l'objection que Jung lui avait faite à Montreux : ‘« Un homme n'est supérieur que s'il réalise dans leur plénitude les qualités individuelles et sociales du type qui est le sien. Vouloir imiter le type d'autrui, c'est fausser l'axe de son individualité ou, sur le terrain social, c'est le déraciner et s'exposer à périr »’ 127. Mais s'il ne hiérarchise pas comme il le dit entre les différents types, il privilégie néanmoins l'acceptation de sa nature, telle qu'il la définit au travers de sa typologie. Celui qui suivra le cours de sa nature est dit « supérieur » à celui qui s'y oppose. Il faut bien comprendre que, dans la conception de Ferrière, chaque "type de nature" est à la fois fixe et en progression, à la fois état et devenir. Ainsi posées les caractéristiques formelles de sa typologie, Ferrière ne risque-t-il pas de limiter la nature humaine (et enfantine) à ce qu'elle doit devenir, même si elle est toute de développement. Point de vue naturaliste qui à l'extrême fait de l'enfant un être qui est déjà en puissance ce qu'il doit devenir.

Notes
125.

« Les types psychologiques dans l'enfance et dans l'espèce », P.E.N., n°17, octobre 1925, pp. 17-20.

126.

Id., p. 18.

127.

Id., p. 19.