Un esprit d'Education nouvelle, une science psychologique

De telles paroles exprimées à Heidelberg ne peuvent pas emporter l'assentiment des fondateurs de la Ligue, qui à Calais, ne voulaient surtout pas instituer une seule méthode d'Education nouvelle. Il leur tenait beaucoup plus à coeur de diffuser un esprit - qui, de toute façon, orienterait logiquement les méthodes... - que de choisir des dispositifs pédagogiques précis. Créativité, nature, spontanéité étaient les mots-clés et la diversité une référence. Que se passe-t-il donc ? Une explication peut émerger de l'idée même d' "esprit" de la Ligue à laquelle tous sont attachés. Il y a en effet bien des manières différentes d'interpréter cette notion. Ainsi, pour Ferrière, Mrs Ensor ou Mlle Rotten, il s'agit bel et bien d'un concept d'ordre métaphysique très imprégné de théosophie ou de spiritualisme. Mais, à Heidelberg, et même déjà à Montreux cet esprit a un nom pour bon nombre de praticiens invités à prendre la parole : la science psychologique. Ce n'est pas que les fondateurs soient opposés à la science, bien au contraire, et Ferrière, en professeur de sociologie est le premier à défendre la connaissance que peut apporter la science à la pédagogie dans sa recherche de la vérité. Mais sa notion d'esprit dépasse de beaucoup celle de forme scientifique rationnelle, il s'agit plutôt d'une idée de fond et même d'un idéal comme le dit bien le premier principe de ralliement de la Ligue : ‘« Le but essentiel de toute éducation est de préparer l'enfant à vouloir et à réaliser dans sa vie la suprématie de l'esprit ; elle doit donc, quel que soit par ailleurs le point de vue auquel se place l'éducateur, viser à conserver et à accroître chez l'enfant l'énergie spirituelle »’. Alors que la science ne peut pas être un idéal mais simplement un moyen pour l'atteindre, cet esprit est bien de l'ordre d'un idéal et non d'une fin, imprécis et non défini. L'idéal de l'esprit est dans l'enfant, inconnu et à venir. L'idéal de la science est dans les faits, présent et déterminé.