Double sens pour l'éducation morale

Comme à Calais, l'éducation morale n'est pas réellement le centre des débats mais elle rebondit à travers deux communications opposées - elles aussi - entre présent et futur, selon que le pédagogue choisit une moralité en l'enfant et qu'il suffit de préserver, ou une moralité à construire et qu'il faut former.

Marietta Johnson : être vrai dans le présent

Premier postulat qui résume toute l'intervention de Marietta Johnson135 à Heidelberg : ‘« J'ai une foi absolue dans la bonté essentielle de l'homme »’ 136. A partir de là pourquoi se préoccuper de ce que l'enfant sera demain ? Pourquoi concevoir l'enfance comme une préparation de la vie adulte ? ‘« Chassons de notre esprit l'idée que le futur est tout, et concentrons notre attention sur les besoins actuels de l'enfant qui grandit »’ 137. Il serait bien plus profitable de s'occuper de la véritable nature de l'enfant pour découvrir quels sont ses besoins.

Second postulat : l'enfant est un. A quoi bon le diviser en corps, âme et esprit ? L'éducation ne doit pas diviser ce que la nature ne sépare pas. Mais cette unité qui caractérise l'enfance n'est encore qu'incohérence, fluidité, manque de contrôle, elle est immature. L'enfant ne sait pas ce qui est bon pour lui, et c'est pourquoi ‘« il doit faire ce qu'on lui dit.. (...) même si l'on doit, pour cela, user de violence »’ 138.

Comment alors éduquer moralement l'enfant ? La réponse de Marietta Johnson est simple : il suffit d'aider à réaliser une ‘« coordination nerveuse, base d'une vie morale qui jaillira spontanément »’ 139. Et quand Marietta Johnson parle de « coordination nerveuse », il s'agit d'abord de coordination physique, le développement moral n'en sera que la conséquence naturelle. Si on respecte ce que l'enfant est, son authenticité, alors il ne peut qu'être moral. L'important est donc en éducation de sauvegarder la sincérité, ‘« la base de toutes les conceptions morales »’ 140, par exemple dans la manière de faire les choses, celles qui correspondent à la nature authentique de l'enfant, pour que se réalise la force morale en lui. Et il n'y a pas d'autre moyen d'assurer cette sincérité que par l'activité créatrice. Etre vrai, agir conformément à sa véritable nature, c'est être moral.

Notes
135.

Fondatrice de l'Ecole Fairhope en Alabama (Etats-Unis).

136.

« L'éducation et la vie », P.E.N., n°17, octobre 1925, p. 21.

137.

Ibid.

138.

Id., p. 22.

139.

Id., p. 21.

140.

Id., p. 22.