La mise en question des typologies

Une autre orientation, celle représentée par Ferrière, visait à appliquer les découvertes de la science à la pédagogie, toujours dans le but de mieux connaître l'enfant à éduquer. Et comme l'esprit scientifique n'a pas d'autre moyen pour comprendre son objet que celui de catégoriser, des typologies destinées à décrire la nature de l'enfant furent élaborées, et des désaccords sont apparus entre vraies et fausses manifestations de cette nature mais qu'un éducateur averti scientifiquement selon l'esprit de l'Education nouvelle ne pouvait pas ne pas reconnaître et utiliser.

Decroly convient de la difficulté d'appréhender la complexité de la nature humaine à partir des typologies, car il existe ‘« très peu de types tranchés et une multitude de types intermédiaires »’ 222. Comment tenir compte tout à la fois des quatre facteurs variables qui font la nature humaine : physiques, nerveux, affectifs et intellectuels ? Même si, comme Jung le démontre, le rôle prépondérant appartient aux facteurs d'ordre affectif, il ne faut pas sous-évaluer l'influence des facteurs biologiques comme « déterminants du caractère »223.

La méthode d'investigation de l'individu à l'aide de typologies est aussi discutée par Lewin et par Wallon. Le premier trouve insuffisantes les classifications à base de typologies, car appliquées aux individus, elles se révèlent toujours fausses, il est alors presque impossible de trouver un type "pur", force est donc de devoir reconnaître la "loi du juste milieu". Lewin veut renverser la conception habituelle de la psychologie, ne pas se cantonner aux ‘« attitudes phéno-typiques constantes »’ mais préférer une ‘« définition géno-typique des particularités individuelles »’ 224. C'est-à-dire : au lieu de dire, "l'enfant est comme cela, il agit donc comme cela", on dira, "dans telles circonstances et selon telles particularités, il agit comme cela". Il introduit ainsi une variable nouvelle, celle du milieu. De son côté, Wallon rejette le concept de "type" qu'il juge imprécis parce qu'il se confond trop souvent avec celui de "stade", ‘« car le développement des fonctions est dans une certaine mesure successif »’ 225. Pour les deux scientifiques, la notion de "type" pèche par manque de précision et donc de rigueur, ils n'y retrouvent pas l'un des caractères fondamentaux de la nature enfantine, son évolutivité. Le type n'est vrai qu'à un moment donné, il donne un portrait de l'enfant, simple reflet qui ne rend pas compte de sa singularité.

Notes
222.

« Difficultés d'établir les types psychologiques chez l'enfant », P.E.N., n°52, novembre 1929, p. 259.

223.

Id., p. 261.

224.

« Les types et les lois de la psychologie », art. cit., p. 261.

225.

« Les composantes neurologiques du caractère », P.E.N., n°52, novembre 1929, p. 256.