Une question de caractère

Pour Wallon, ‘« Parler du caractère, c'est parler de l'individu »’ 226. Mais il faut en parler scientifiquement, en termes de lois générales pour dépasser toute interprétation non fondée en réalité, c'est-à-dire sur les faits. C'est ainsi que le domaine de la biologie peut très bien rejoindre celui de l'actuelle psychologie. ‘« Ainsi, l'étude de l'individu peut de proche en proche en appeler à des domaines de la connaissance où la réalité est anonyme. Interdire ce passage pour ne pas sacrifier l'individu et son originalité à des notions mécanistes, c'est continuer à se laisser obséder par le fantôme de la causalité psychique que de simples intuitifs ont depuis bien longtemps dépassé »’ 227. Ce que refuse Wallon, c'est une science "au rabais", qui s'empêcherait de voir. De deux choses l'une, soit on parle scientifiquement de l'enfant en allant jusqu'au bout de la rigueur que la science exige et on n'interdit pas par exemple de parler du psychisme en termes biologiques, soit on refuse la "loi" générale au nom de la sauvegarde de l'individualité et on ne peut pas en parler scientifiquement. D'ailleurs, Wallon rassure un peu plus loin : ‘« Il ne s'agit donc pas de déduire mécaniquement d'une insuffisance élémentaire et primitive le comportement lui correspondant »’ 228. Il s'agit de comprendre. Finalement, parler en termes de fonctions de l'individualité de l'enfant, c'est parler de leurs développements successifs, ce qui, selon Wallon, enlève à la notion de caractère toute idée de déterminisme.

Le docteur Boven229 va dans le même sens que Wallon pour donner une composante dynamique à la notion de caractère : ‘« Tout caractère est l'histoire d'un individu superposée à l'histoire de la lignée, sur le palimpseste de sa substance »’ 230. Mais alors que Wallon maintient une unité fonctionnelle de l'individu, pour Boven ‘« cette unité peut être subdivisée en traits de caractère »’ 231. Le caractère, concept qu'il associe à celui de "frontières", est une forme qui ‘« participe autant du milieu que de l'homme »’ 232. Et, en toute logique, étudier le caractère revient à ‘« reconstituer un milieu »’ 233, c'est-à-dire tout ce qui environne un individu, l'ambiance, l'ensemble des conditions internes et externes de sa vie .

Le docteur Pende234 ira plus loin encore dans le sens des influences du développement organique sur le caractère en lui attribuant un fonctionnement biologique, qui ouvre selon lui une grande voie à la « biologie de l'éducation »235. Sa théorie se fonde sur l'observation de corrélations entre le système sympathique et endocrinien et les « biotypes psychiques »236. Ce qui lui permet à partir des différences de rapidité des réactions psychiques, de définir deux catégories humaines fondamentalement opposées, les « tachypsychiques » et les « bradypsychiques »... Ou comment on en revient toujours à catégoriser, et à faire du "caractère" une notion voisine de celle de "type".

Notes
226.

Id., p. 254.

227.

Id., p. 255.

228.

Ibid.

229.

William Boven, de Lausanne.

230.

« Psychologie individuelle et typologie », P.E.N., n°52, novembre 1929, p. 257.

231.

A. Ferrière, « Introduction. Travaux du groupe I. Psychologie individuelle et types psychologiques », P.E.N., n°52, novembre 1929, p. 248.

232.

« Psychologie individuelle et typologie », art. cit., p. 256.

233.

Ibid.

234.

Nicolas Pende, de Gênes, docteur à la clinique médicale et Institut de biotypologie humaine.

235.

« Les tempéraments endocrinosympathiques et les biotypes psychiques », P.E.N., n°52, novembre 1929, p. 259.

236.

Id., p. 258.