Un difficile congrès

Cependant, des conditions d'organisation difficiles ajoutées à la crise mondiale ont rendu complexe la réunion des mille deux cent congressistes venus de quarante-trois pays différents. Quel est le bilan de ce « difficile congrès »265 ? A la clôture de celui-ci, les avis demeurent partagés comme en témoignent les impressions données par MM. Brun-Laloire266 et Geheeb267. Le premier regrette le manque de confrontations et d'affrontements du congrès qui s'est déroulé ‘« sans donner lieu à de réels échanges d'idées »’ 268. Le second au contraire constate une réelle ‘« communauté d'idées et de buts, en dépit de divergences »’ 269. Des opinions contradictoires qui incitent à penser qu'à partir du congrès de Nice, les tensions internes de la Ligue se font plus apparentes.

Ce que sous-entend le thème de ce congrès, son président Langevin le précise dans son discours d'ouverture : ‘« Nous avons voulu cette fois-ci, discuter plus largement de l'influence et de la nécessité d'adaptation réciproques des progrès accomplis en matière d'éducation d'une part et des transformations incessantes de l'organisme social d'autre part, transformations qu'il dépend de nous et des enfants que nous élevons, d'orienter dans un sens tel que la grande aventure humaine où des liens de plus en plus étroits nous rendent tous solidaires, devienne ou merveilleuse ou tragique »’ 270. L'Ecole est en progrès dans une société en transformation, et il y a lieu selon Langevin, de coordonner ces deux évolutions, en sachant bien que tout dépend de l'Ecole qui détient la responsabilité de l'orientation de la société, dans un sens positif comme dans un sens négatif...

Ce thème sera traité selon deux axes principaux : comment l'éducation peut-elle répondre aux exigences qu'impose la rapidité des transformations sociales actuelles, et, en quoi l'éducation peut-elle contribuer au progrès social. Orientation nouvelle pour la Ligue que Ferrière avait pressentie à Elseneur lorsqu'il exposait la double fonction de l'éducation, celle de donner à l'enfant l'occasion de ‘« grandir selon sa nature »’ 271, et en même temps celle de s'adapter au monde dans lequel il doit vivre. Il concluait : ‘« Contradictions, luttes, efforts. Voilà l'éducation »’ 272. De la même manière à Nice, il souligne l'importance de concevoir l'éducation selon un double but : d'ordre individuel, pour conserver et accroître la puissance de l'esprit, d'ordre social, pour préparer l'homme futur, le membre de l'humanité273. Il dit encore dans un discours en l'honneur du docteur Decroly qui vient de disparaître que l'humanité de demain incarnera la synthèse de l' « individualisme » et du « solidarisme »274.

Notes
265.

« Compte-rendu sommaire de la rédaction », P.E.N., n°80, août-septembre 1932, p. 199.

266.

A partir de 1933 et jusqu'en 1938, L. Brun-Laloire sera le rédacteur d'une chronique intitulée « Revue de la presse pédagogique française » dans Pour l'ère nouvelle.

267.

Directeur de l'Ecole de l'Odenwald en Allemagne.

268.

« Impressions d'un néophyte », P.E.N., n°82, novembre 1932, p. 263.

269.

« Impressions du congrès », P.E.N., n°83, décembre 1932, p. 304.

270.

« Séance d'ouverture », P.E.N., n°80, août-septembre 1932, p. 200.

271.

« Chronique du congrès », P.E.N., n°51, octobre 1929, p. 225.

272.

Ibid.

273.

« L'enseignement de l'histoire », P.E.N., n°80, août-septembre 1932, p. 208.

274.

« Ovide Decroly (1871-1932) », P.E.N., n°81, octobre 1932, p. 234.