Progrès matériel, social et moral

Le progrès est une évidence, il n'y a pas à discuter de son existence, mais quel est le véritable progrès ? Pour certains, il n'y a pas de progrès moral en soi. Il n'y a que des progrès matériels que l'homme doit contrôler dans le sens d'un progrès social. Selon Wallon, l'Education nouvelle à ses origines rêvait un enfant épanoui qui serait acteur de sa propre vie, seul moyen pour que toute l'humanité parvienne à diriger son histoire et son avancée sociale. En réalité, les progrès techniques et scientifiques ont créé un décalage entre ce que l'homme savait (faire), ce que l'homme pouvait (faire) et ce que l'homme voulait (faire). L'homme doit à présent s'adapter à ce progrès qu'il n'a pas véritablement voulu pour en devenir maître. Pour Langevin, l'école a contribué à ce décalage en privilégiant la distribution d'une culture ‘« d'ordre littéraire et moral »’ 275 qui ne laissait que peu de place à la culture technique et scientifique. Il ne fait pas de doute que la crise s'explique par le déséquilibre de ces deux cultures, et ‘« ce défaut d'unité dans la culture a eu pour conséquence que le développement scientifique et technique s'est poursuivi indépendamment du développement moral »’ 276.

Un décalage que tous constatent mais ne résolvent pas de la même façon, tout dépend de la conception qui est attribuée au progrès. Ainsi, Piaget explique le chaos actuel non seulement par des causes économiques ou sociales mais aussi par des raisons morales et psychologiques, qui résultent à la fois de la crise sociale et de ‘« notre développement psychique incomplet »’ 277. ‘« Nous ne sommes pas adaptés psychologiquement à notre état social »’ 278, le progrès serait de réussir par l'éducation à réduire ce décalage.

Notes
275.

« Le problème de la culture générale », P.E.N., n°81, octobre 1932, p. 240.

276.

Ibid.

277.

« L'évolution sociale et la pédagogie nouvelle », P.E.N., n°83, décembre 1932, p. 305.

278.

Id., p. 306.