Quelle vérité ?

Pour Claparède, c'est un fait, tout est relatif et question de point de vue, ce qui est reconnu bon ici, peut être mauvais là, "le subjectif" pénètre "l'objectif" et ‘« ce qui rend si dramatiques les conflits entre les hommes, ce n'est pas tant cette diversité inévitable des univers, que le fait que chacun juge la conduite d'autrui en la situant dans son propre univers, au lieu de la replacer dans l'univers particulier dont elle fait partie intégrante »’ 300. Le danger est de s'en remettre au sentiment, la solution qu'il préconise est dans l'éducation du jugement. La vérité n'est pas donnée, elle s'apprend par la science expérimentale qui exerce la « pensée loyale », elle est la "vraie" valeur de l'Ecole.

Que la vérité s'apprenne, Ferrière le concède, mais elle dépasse tellement l'homme qu'elle ne lui revient pas en propre. Pour Ferrière, la Vérité porte un nom : Dieu. Et le meilleur moyen d'atteindre la vérité, c'est encore la raison. Pour le dire à Nice, Ferrière parle de Gandhi qui, tout en poursuivant la Vérité, ‘« s'attache bien moins à la Science qu'au Bien, au Bien social avant tout »’ 301. A l'image de Dieu, la raison est ce qui unit tout. La raison individuelle doit devenir le reflet de la Raison universelle qui ‘« s'exprime par les lois de l'harmonie sociale et individuelle : psychologie et sociologie »’ 302.

Et quand il s'agit de connaître la vérité sur l'enfant, les positions de Ferrière se précisent. Ainsi, comme Piaget le dit dans Le jugement moral chez l'enfant dont il fait la présentation303, il reproche aux naturalistes et aux moralistes de ne pas faire suffisamment de place à la science et donc les préjugés prévalent. Une manière de redire que la vérité sur l'enfant est d'ordre scientifique.

Finalement, de quel ordre est cette vérité que tous recherchent pour l'enfant ? Vérité par la science ? Vérité par la religion ? Il faut bien reconnaître que, pour un pédagogue de l'Education nouvelle, la vérité s'exprime en termes de croyance, elle est un acte de foi plus que de raison. Mais ce qui demeure : le vrai est "le chemin" vers le bien.

Notes
300.

« La pensée loyale et son éducation », art. cit., p. 11.

301.

« Ghandi et la santé : prévenir ou guérir », P.E.N., n°84, janvier 1933, p. 15.

302.

Id., p. 17.

303.

« Le jugement moral chez l'enfant par Jean Piaget », P.E.N., n°86, mars 1933, pp. 79-82.