La charte de la Ligue présente la particularité d'être le seul texte auquel ses membres peuvent se référer. Elle renferme donc ce qui peut constituer l'essentiel des principes de ce mouvement. Ce texte figure au début de chaque numéro de la revue Pour l'ère nouvelle. La première charte, très inspirée par Ferrière, fut rédigée à Calais. Peu après le congrès de Nice est diffusée dans la revue le texte d'une nouvelle charte qui a été adoptée lors de ce congrès330. Coïncidence ou marque d'un désaccord ? Peu après le congrès de Nice, Ferrière renonce à la direction de la revue331...
Lors de la rédaction de la seconde charte, certains pédagogues, le plus souvent parmi les fondateurs, se sont inquiétés de voir disparaître les principes auxquels ils tenaient. A l'inverse, d'autres soutenaient la nécessité de réviser ces principes "vieillis". Quelques phrases prononcées à Nice expriment bien ces tensions. Elisabeth Rotten rappellera que la Charte de 1921 constitue plus qu'un idéal "creux" : ‘« Ces articles ne représentaient pas pour nous un programme théorique élaboré en pleine abstraction »’ 332. La différence fondamentale est dans l'intention qui a provoqué la naissance des deux chartes, celle de 1921 ne se voulait pas une réponse à la crise, mais elle s'inspirait de l'observation et des besoins de l'enfant.
De manière significative, le choix des termes employés est le reflet de certaines divisions précédemment répertoriées. Par exemple, la seconde charte ne parle plus de l'esprit dans le même sens que la première : « l'énergie spirituelle » dont il était difficile de saisir les contours devient « esprit de coopération » ou encore « indépendance d'esprit », deux attitudes, deux "états d'esprit" bien particuliers. Par contre, les deux chartes conservent l'idée que chaque enfant est unique et possède un « caractère » ou des « caractéristiques » propres. Enfin, si la première charte visait non seulement la formation du « futur citoyen » mais de « l'être humain », la seconde établit la nécessité pour l'enfant de « s'adapter » à la société. Ces quelques points de comparaison montrent bien un glissement dans la philosophie retenue par la Ligue.
Voir en annexe le texte intégral.
La première diffusion de la seconde charte de la Ligue dans Pour l'ère nouvelle a lieu dans le numéro de novembre 1932 consacré aux rapports du congrès de Nice, mais cette seconde charte fut sans doute rédigée avant le congrès en lui-même puisque son texte figure dans les documents de présentation et d'inscription à ce congrès.
Ferrière avait cependant annoncé son départ de la rédaction dès janvier 1931 : « Le rédacteur en chef de cette revue, obligé de restreindre ses activités (...) se voit contraint d'accepter l'offre dévouée du G.F.E.N., de reprendre à Paris le travail de la rédaction. » (« Editorial », P.E.N., n°64, janvier 1931, p. 3.)
« La transformation sociale et l'éducation », art. cit., p. 39.