Ferrière : conciliations ou concessions ?

‘« Avons-nous fait faillite ? »’ 380, Ferrière s'interroge devant les difficultés que connaît l'humanité, les principes de l'Education nouvelle sont loin d'être reconnus par tous. C'est pourquoi il réaffirme la nécessité d'une unité dans la Ligue et il revendique la conservation de son principe de base, l'esprit. Il admet que les méthodes peuvent évoluer mais l'idéal de l'Education nouvelle doit se maintenir. Ne pas brûler les étapes : la réalisation d'une société libre n'est que seconde, elle suit celle de la formation d'un homme libre.

Quelle définition Ferrière donne-t-il de l'esprit en 1936 ? Il dit que ‘« l'avenir est pour nous : science et conscience »’ 381, une manière de réconcilier les tenants d'une spiritualité d'ordre religieux et ceux d'une spiritualité d'ordre scientifique. Ferrière ne fait ni toute la place à la science, qui représente pourtant la vérité, ni toute la place à Dieu, qu'on devine cependant dans l'expression suivante : ‘« un immense et puissant esprit d'amour »’ 382. Il ne choisit pas non plus entre « "centrer" l'enfant »383, selon une expression qui lui est chère, et organiser « la démocratie économique »384, selon l'idée favorite des communistes présents à Cheltenham. Une phrase tirée de l'introduction de A la recherche de la liberté est significative de ses tentatives de conciliation, il y écrit : ‘« on comprend de mieux en mieux aujourd'hui qu'il existe une réalité fondamentale unique et par ailleurs des cerveaux humains qui interprètent différemment cette réalité, qui emploient des mots différents et des symboles différents »’ 385. Tout tend à montrer que Ferrière a perçu la brisure qui est à l'oeuvre et qui va éclater dans les paroles de Freinet.

Notes
380.

« Le passé et l'avenir de la Ligue », P.E.N., n°123, décembre 1936, p. 291.

381.

Ibid.

382.

Id., p. 292.

383.

Ibid.

384.

Ibid.

385.

In A la recherche de la liberté, op. cit., p. XVII.