Freinet : cessons de rêver !

Introduit par Wallon, Freinet présente sa technique de l'imprimerie à l'école. Le ton de son intervention rompt avec celui des conférences précédentes. Freinet parle "concret", et c'est intentionnel, puisqu'il reprochera ouvertement aux théoriciens de la pédagogie de manquer de réalisme et d'être ‘« comme les rêveurs qui, à travers les siècles, affirmaient que l'homme pourrait voler comme les oiseaux...  »’ ³⁸⁶. Ce n'est pas le seul reproche qu'il fera à Cheltenham.

Il s'attaquera au self-government, le trouvera insuffisamment libérateur, car s'il peut libérer l'enfant physiquement, il est par contre inefficace à la libération intellectuelle et psychique. Cette critique ne peut passer inaperçue, on sait l'attachement, notamment des fondateurs de la Ligue, à diffuser ce qui constitue le moyen par excellence de l'autonomisation de l'enfant. Nul besoin de règles ou de codes, de deux choses l'une pour Freinet, ou on est libre de dire ce que l'on veut à l'école et on le dit, ou bien on est dominé. Tout doit provenir de l'enfant, la morale non plus ne lui est pas imposée, ‘« nous avons appris, dans notre groupe, à tirer la morale de la vie enfantine »’ ³⁸⁷.

Freinet remet aussi en cause les théories sur l'enfant : ‘« Jusqu'à ce jour, on vous a présenté l'enfant, comme nous, pédagogues, nous le voudrions pour notre commodité ; c'est très bien si l'enfant a telle ou telle logique, mais il ne s'agit pas de cela, il s'agit de partir de l'enfant tel qu'il est, avec ses défauts, ses qualités, sa logique et son rythme et il ne nous appartient pas de dire : cela n'est pas. Nous sommes profondément réalistes ; nous prenons les enfants comme ils sont et là-dessus nous construisons notre pédagogie »’ ³⁸⁸. L'enfant n'est pas seulement cet enfant de la théorie, ni l'enfant rêvé de notre idéal, mais il porte un nom, il est bien réel et il "fait face" au pédagogue. Pour Freinet, la pédagogie doit partir de la pratique pour retourner à la pratique. L'épanouissement de l'enfant devient une question de technique, tout se passe entre le milieu aménagé et l'enfant. Finalement, Freinet lance un appel à la Ligue qui, dit-il, a produit de bons théoriciens tels que Dewey, Claparède et Bovet, mais qui à présent a besoin de bons praticiens, de bons réalisateurs et donc de bonnes techniques pour matérialiser les théories de l'Education nouvelle.