Le dernier congrès international

Néanmoins, en 1945 à Bryanston en Angleterre, a lieu le huitième et dernier congrès à dimension mondiale. Principalement organisé par le G.F.E.N., il a pour sujet « L'éducation pour la vie dans la communauté internationale »399 et s'intéresse - tout naturellement aux lendemains de la guerre - aux problèmes de la paix, au rôle de l'école et à sa responsabilité dans une éducation à la paix. C'est une prise de conscience générale pour tous les membres de la Ligue : il n'est plus possible après cette guerre de penser l'école de la même manière. Mais comment renouer avec un des principes les plus fondamentaux du mouvement - il remonte à sa fondation - : l'internationalisme ? Chacun se retranche dans une sécurité nationale...

A nouveau, tout comme au congrès de Nice ou même lors de la création du mouvement à Calais, il est question du fondement de l'éducation. En 1945, vu les circonstances historiques, quelles seront les valeurs promues par l'Education nouvelle ? Et comment mettre en place un fond commun, une morale internationale ? C'est encore et toujours le problème d'une "unité dans la diversité" qui rejaillit lors de ce congrès où Boecke (Hollande) et Marcault400 (France) s'affrontent...

Pour l'un, le principe d'une éducation et d'une morale internationales est essentiellement d'ordre religieux. Pour l'autre, seul l'esprit scientifique ou philosophique - la raison - est propice à asseoir les bases d'un esprit - et non d'une morale - international. Entre l'universalité d'une religion fondée sur la foi et l'universalité de la science fondée sur la raison, réapparaissent les inévitables divisions et tensions qui éclatèrent au congrès de Cheltenham et qui caractérisent toute l'histoire du mouvement de l'Education nouvelle toujours en recherche d'universalité.

Et cette opposition entre "science" et "religion", déjà apparue à Nice, va rebondir lors du congrès européen de Paris en 1946, dans l'opposition à tout enseignement confessionnel jugé doctrinal et donc "endoctrinant" par Mme Seclet-Riou401. Apparaît également le refus explicite de ne plus associer morale et esprit dans un même concept ou dans une relation de dépendance, et c'est là une complète révision des principes fondateurs de la Ligue, qui revendiquait le développement de l'esprit en l'enfant et n'hésitait pas à associer cet esprit à Dieu. Désormais cet esprit sera neutre, scientifique et rationnel.

Une dispersion de l'Education nouvelle entre ses différentes sections est désormais à l'oeuvre. Il n'y aura plus désormais de congrès mondial ou international. On invoque des difficultés organisationnelles : une trop large audience, des publics culturellement trop différents...

Notes
399.

F. Seclet-Riou, « Chronique étrangère. Le congrès de Bryanston (22 août-1er septembre 1945) », P.E.N., n°1, janvier 1946, pp. 13-14.

400.

Professeur à l'université de Clermont-Ferrand.

401.

Secrétaire générale du G.F.E.N., inspectrice de l'Enseignement primaire.