A. Les présupposés "psychologiques" de l'Education nouvelle

Sur un plan théorique, les psychopédagogues se reconnaissent à leur triple préoccupation qui résume en elle-même les fondements que présuppose cette orientation du mouvement de l'Education nouvelle : partir de l'enfant, se conformer à la science et unir la psychologie à la pédagogie.

1. L'enfant, préoccupation première

La préoccupation première de la branche des "psychopédagogues" de l'Education nouvelle est de se pencher sur la nature particulière de l'enfant par les moyens scientifiques de la psychologie en pleine extension. Etre attentif aux particularités individuelles de chaque enfant est le meilleur moyen de voir aboutir l'idéal qui fait l'unité de tous les tenants de ce mouvement : régénérer l'humanité tout entière pour qu'advienne une ère nouvelle.

Si l'enfant est, de toute évidence, le centre de leurs préoccupations, si l'idée fondatrice dans l'Education nouvelle est que l'enfant possède une nature propre différente de celle de l'adulte, il reste que ces pédagogues ne parviennent pas à s'entendre sur une conception unifiée de sa nature. Tantôt l'enfant est cet enfant-là, il a un visage et il porte un nom, parfois l'Enfant est cette idée-là, anonyme et sans profil pour mieux correspondre au plus grand nombre... d'enfants. Tout le problème pour les partisans de l'Education nouvelle, c'est justement de réussir à articuler ces deux points de vue dans une notion unique. En d'autres mots, le problème est de réussir à faire coïncider l'enfant du praticien-éducateur, l'enfant multiple de "l'empirique", celui qui porte un nom et qui a un visage, et l'Enfant universel de la théorie éducative, qui devrait être "un" sous couvert de sciences et de raison. Le paradoxe est tel que l'enfant du praticien paraît diffus au théoricien et inversement, l'Enfant de la théorie apparaît inaccessible à la pratique pédagogique.

Mais ce schéma, ce dilemme théorie-pratique, l'Education nouvelle le refuse, car pour l'enfant de la pratique, elle vise un idéal théorique d'Enfant autonome, et qui a tout en lui pour y parvenir, le tout pour l'éducateur est de savoir s'y prendre. Conséquemment, il serait logique d'avancer qu'alors les difficultés d'entente entre pédagogues de l'Education nouvelle se situent à cet endroit, dans les divergences de méthodes pédagogiques. Il n'en est rien. La racine des oppositions est à rechercher dans l'idée que chacun se fait, non de l'autonomie, ni des dispositifs pédagogiques pour la développer, mais dans l'idée que chacun se fait de l'Enfant, de sa nature, de ce "il-a-tout-en-lui-pour-y-parvenir". Faire de l'enfant un idéal d'autonomie, reçoit certes l'assentiment général, mais le tout est de savoir où commence sa nature et où elle s'arrête.

Un enfant qui contient en lui tout ce qu'il doit devenir, c'est une idée qui fait foison dans l'Education nouvelle. Elle est même fédératrice, autour d'elle tous s'y retrouvent... Le tout, une nouvelle fois, est de s'entendre sur ce que l'enfant recèle en lui. Une chose est sûre, même si tout ce qu'il possède en puissance - disons les tendances pour réunir la plupart des pédagogues - n'est pas forcément bon, les bonnes tendances, le bien, sont déjà en lui. C'est pourquoi tout mérite le respect de l'adulte éducateur. Et nombreux sont les pédagogues qui n'hésitent pas à passer du respect au sacré et même au divin. Ils voient Dieu en l'enfant. Tout dépend finalement du regard que l'on porte sur lui, et surtout de l'instrument qu'on utilise pour mieux le voir, autant dire mieux le comprendre... Et les regards des pédagogues nouveaux sont multiples.