A Heidelberg, il est fait appel à la psychologie pour trouver les moyens de libérer les énergies créatrices chez l'enfant. De moyen d'investigation de la nature enfantine, la psychologie devient moyen de sauvegarde de cette nature et s'apparente en cela à une autre science, la médecine. Progressivement, la psychologie est assimilée à la médecine.
En réalité, ce congrès a surtout révélé la difficulté pour les partisans de l'Education nouvelle à s'entendre sur une idée unifiée de la science de référence. Ainsi, les tenants de la psychanalyse et de la biopsychologie s'y croisent mais sans s'affronter. Et pourtant, quoi de commun entre ce que soutiennent les théories psychanalytiques et ce que dit Decroly dans l'explication de la diversité des intérêts selon les individus par « l'état physique » et « l'état des tendances, de l'affectivité » auxquelles « il faut rattacher les habitudes »432. L'emploi répété du mot « état » montre bien ce qui est essentiel pour le médecin qu'est Decroly : faire un diagnostic sur l'enfant, dresser une sorte de bilan de ses tendances, établir sur cette base un portrait psychologique, autrement dit lui assigner son type psychologique, dont on pourra déduire ensuite un "traitement" pédagogique approprié... Naturellement, certains types peuvent s'avérer défectueux, le remède est alors, comme il l'a souvent répété, dans l'intelligence, ‘« un levier capable de se substituer aux leviers naturels représentés par les tendances natives et par conséquent de contrebalancer l'action de celles-ci »’ 433. En conclusion de son intervention, Decroly aurait souhaité présenter, s'il en avait eu le temps, ‘« quels sont les intérêts les plus importants à favoriser, quels sont ceux qu'il vaut mieux tempérer, refouler ou dériver »’ 434. Ce qui l'aurait obligé à poser un choix de valeurs personnel, à expliciter au nom de quoi privilégier telle tendance plutôt que telle autre, mais il ne l'a pas fait à Heidelberg et il ne le fera pas non plus dans les congrès ultérieurs. Il préfère se maintenir dans une position de neutralité. Ainsi laisse-t-il parler la science à travers lui quand il s'agit de distinguer entre intérêts apparents et intérêts véritables. Et pour se justifier : ‘« nous répéterons encore une fois, pour rendre prudents ceux qui ’ ‘étiquettent’ ‘ un peu précipitamment parfois un acte, une attitude d'enfant, que l'intérêt apparent n'est pas toujours l'intérêt latent et que bien souvent celui-ci est caché »’ 435. Suit alors la liste des caractéristiques qui font l'authenticité de l'intérêt, car ‘« pour définir un intérêt, il importe donc au minimum de connaître... »’ 436 l'état physique et affectif de l'enfant. En définitive, ce qui différencie le diagnostic de l'intérêt véritable, c'est qu'il est le fruit du processus de connaissance en lui-même, d'une observation approfondie de l'enfant, un "symptôme" durable et non une expression première ou spontanée.
« Les facteurs qui déterminent la libération des intérêts », P.E.N., n°17, octobre 1925, p. 7 (c'est nous qui soulignons).
Id., pp. 8-9.
Id., p. 6.
Id., p. 10.
Ibid.