La dualité

Comme la plupart des psychopédagogues de l'Education nouvelle, Decroly suppose une dualité quand il parle des "vraies" et "fausses" manifestations de la nature enfantine. Un choix posé a priori ne peut pas dire à l'éducateur quelles sont les vraies tendances de cette nature et donc celles qui sont "bonnes" à encourager. Là encore, c'est la science qui a le dernier mot.

A Heidelberg, Marcault parvient à élaborer à partir des théories psychologiques, une définition de la conscience qui se caractérise par « la dualité des deux moi », « le moi subjectif » et le « moi objectif »437. ‘« Si donc l'Education est, comme il n'est pas douteux, l'aide apportée par la Science à la croissance, elle s'exercera sur l'objectivation du subjectif, elle visera la libération systématique de la conscience créatrice »’ 438. Ceci explique que : ‘« Chaque époque a eu sa pédagogie correspondant à sa psychologie. Celle de l'Ere nouvelle sera l'éducation individuelle des types psychiques, conformément à l'évolution d'une conscience spirituelle créatrice »’ 439. Par cette déclaration, Marcault exprime de manière implicite pourquoi les partisans de l'Education nouvelle, à l'instar de Decroly, sont hostiles à l'idée de valeurs humaines posées a priori. Ce n'est pas une décision humaine qui peut établir ce qui est bon en soi mais bien le progrès en lui-même, « l'absolu du moment »440, cette croissance indéfinie dont l'évolution de la science est le reflet.

A Heidelberg où il est beaucoup question de typologies pour caractériser l'enfant, Ferrière n'hésite pas à déclarer sa classification meilleure puisqu'elle ‘« concerne la vie de relation : rapports entre le moi et le non-moi »’, les autres classifications ‘« sont moins révélatrices de la nature d'une individualité sous ses différents aspects »’ 441. Car la difficulté réside dans l'appréhension de la nature enfantine dans sa totalité. Il se maintient en filigrane des typologies élaborées par Ferrière ce souci constant de vouloir suivre la nature, de lui obéir, de s'y conformer. Pourquoi ? A cela Ferrière énonce plusieurs raisons. En premier, nous sommes partie intégrante de la nature et nous avons une nature propre, un type. En second, la nature a la propriété de suivre un développement, une croissance ordonnée, un progrès indéfini, qui ne peut pas être mauvais mais que seul l'homme, quand il ne parvient pas à s'unifier en lui-même et dans son monde, selon "sa" nature et dans "la" nature, peut gêner et contrecarrer.

Notes
437.

« Psychologie de la conscience créatrice », art. cit., p. 14.

438.

Id., p. 15.

439.

Id., p. 17.

440.

Ibid.

441.

« Les types psychologiques dans l'enfance et dans l'espèce », P.E.N., n°17, octobre 1925, p. 17.