Ce sont le plus souvent les tenants de la psychanalyse qui s'attachent à définir les conditions qui font le "bon" éducateur comme certaines allocutions le démontrent. Mais finalement, qu'est-ce que cet exercice de l'éducation par un éducateur ? Entre science et art, les avis des spécialistes demeurent partagés.
C'est dans ce sens que Baudouin, à Montreux, parle du jeu qui reste à ses yeux un des meilleurs terrains d'observation de l'enfant parce qu'il est « activité propre de l'enfant » et « parent du rêve »471. Il ne faut pas dissocier ces deux caractères du jeu que sont l'activité et le rêve si l'on veut tenter de comprendre l'enfant. Mais cela dépasse le domaine de la psychologie, cela devient un art : ‘« le bon éducateur, s'il doit être au courant des données de la science psychologique, ne doit pas dédaigner pour cela ce que lui apporte l'artiste »’ 472. Si, à chacune de ses interventions devant les éducateurs de la Ligue, Baudouin insiste sur la nécessité de séparer le terrain de l'éducation de celui de la science et surtout de la psychanalyse dont la technique ‘« paraît difficilement applicable comme telle à l'enfant »’ 473, cette fois il en exprime la raison. En faisant remarquer que le « bon éducateur » ne doit pas seulement tendre l'oreille vers la science mais aussi s'inspirer de l'art, n'affirme-t-il pas que l'éducation s'apparente autant à un art qu'à une science ? Une manière de dire également tout ce qu'a d'incertain et d'imprévisible - de non scientifique - l'entreprise éducative...
La psychanalyse n'est pas complètement absente des débats de Cheltenham. Redl474 y présente les théories psychanalytiques freudiennes et conclut que ‘« Seules les relations d'amour entre enfant et éducateur peuvent susciter des transformations profondes »’ 475. Mélanie Klein ira plus loin encore pour expliquer que l'éveil ou non des bonnes intentions en l'enfant dépend avant tout de la relation éducative. ‘« Les vraiment bons éducateurs, inspirés par une compréhension psychologique authentique, ont en effet toujours vérifié que le fait de manifester de la confiance envers les bonnes intentions de l'enfant et de croire en elles, même s'il n'est pas facile de les détecter, est quelquefois le bon moyen de les amener à se manifester et de les fortifier »’ 476. Croire que l'enfant est potentiellement capable du bien devient ici la caractéristique du "bon éducateur éclairé". Jusqu'à penser comme Mélanie Klein qu'il suffit à l'éducateur de croire que l'enfant peut faire le bien pour qu'il le fasse. Et cela est un fait scientifiquement vérifiable...
Mais quelle valeur morale aura ce bien que l'enfant choisit parce que son éducateur l'en croit capable ? Jusqu'où ne se sent-il pas incité à le choisir ? Que l'enfant obéisse à sa nature ou à un éducateur qui croit en sa nature, c'est peut-être l'étape nécessaire hétéronome précédant l'autonomie, mais que les partisans de l'Education nouvelle soient convaincus que de tels choix attestent de la liberté de l'enfant, voilà qui est plus problématique.
« Les souvenirs d'enfance », P.E.N., n°8, octobre 1923, p. 115.
Id., p. 116.
« Les méthodes de la psychanalyse éducative », P.E.N., n°48, juin 1929, p. 105.
Directeur des Cliniques d'orientation psychologique pour enfants, à Vienne.
« La personnalité et l'éducation », P.E.N., n°124, janvier 1937, p. 20.
« Nécessité de la psychanalyse chez certains types d'enfants difficiles », P.E.N., n°125, février 1937, p. 39.