La confiance en la science

C'est pourquoi l'éducation deviendra moyen vers plus de justice sociale à condition qu'elle sache se mettre au service de la science. A Nice, quand Langevin parle d'esprit, il s'agit en réalité d'esprit scientifique : ‘« Nous devons (...) dire notre confiance dans la valeur humaine de l'esprit scientifique »’ 538. Un esprit scientifique qui se justifie par lui-même puisqu'il a « valeur humaine ». La seule explication possible au désordre social est bien dans l'ignorance de l'homme face à la science et non dans le progrès, une ignorance qui a généré ce décalage entre ce que l'homme peut et ce qu'il est. La connaissance ouvre d'autres horizons et justifie la solidarité après-coup car elle ‘« nous met en présence d'un devoir de solidarité qui constitue l'essentiel de la loi morale »’ 539. Langevin se fera exemplaire de cette règle en suggérant que : ‘« C'est le devoir de ceux qui ont eu l'avantage de pouvoir se nourrir du bon lait de la science, plein lui aussi de tendresse humaine, de collaborer à cette tâche, et c'est pour cela que, très humblement, je suis venu parmi vous »’ 540. La solidarité par la culture entre les hommes commence par le partage du savoir. Mais cela ne suffit pas et Langevin finit par enjoindre tout un chacun à se tenir prêt ‘« à des sacrifices pour la cause collective »’ 541. En dernière analyse, c'est la ‘« doctrine d'évolution, d'origine scientifique »’ qui ‘« nous montre la voie » vers toujours plus de solidarité humaine, une direction que l'individu face à son espèce ne peut refuser de suivre puisque « un instinct profond nous y pousse »’ 542...

En 1946, peu avant sa mort, dans le discours d'inauguration qu'il prononça au congrès européen de Paris dont il était président, Langevin redira au mot près ces convictions exprimées sept ans plus tôt. Il ne cessera de rappeler que le salut de l'humanité dépend d'une réforme de l'éducation inspirée par l'esprit de l'Education nouvelle, seule à pouvoir réaliser ‘« la transformation morale nécessaire »’ 543 à la paix sociale.

Notes
538.

Id., p. 242.

539.

Id., p. 244.

540.

Id., p. 242.

541.

Id., p. 245.

542.

Ibid.

543.

« Discours du Président Paul Langevin », P.E.N., n°2-3-4, novembre-décembre 1946 et janvier 1947, p. 37.