L'Education nouvelle face à la guerre

En 1939, parce que la seconde guerre mondiale vient juste d'éclater, il devient de plus en plus difficile pour la Ligue de ne pas donner une dimension politique au salut qu'elle attend de l'éducation. En ce qui concerne le France, le G.F.E.N. aime à rappeler que c'est sur l'enfance ‘« qu'en tout état de cause repose l'avenir de notre pays »’ 675. Plus explicitement, il ajoute que ‘« Le programme de l'éducation nouvelle c'est d'aider au développement simultané de l'intelligence et du caractère... »’ 676, et n'hésite pas à spécifier que ‘« c'est de ces vertus-là qu'est faite la démocratie »’ 677.

Quoiqu'il arrive et en raison même de ce qui arrive, alors que le mouvement d'Education nouvelle s'était mis en route peu après le premier conflit mondial dans l'espoir d'empêcher une nouvelle guerre, l'Education nouvelle se conforte dans l'idée que seule l'éducation peut changer quelque chose au monde qui va mal. ‘« La Ligue continue. En ce moment, où tant de notions fondamentales s'effacent, où la confusion règne dans de si nombreux esprits, la Ligue doit tenir »’ 678. Telles sont les premières phrases de l'éditorial du premier numéro diffusé après la déclaration de guerre. Puisque l'ordre social dépend de l'éducation de chacun, on ne peut plus se contenter de penser l'Education nouvelle comme "simple" épanouissement psychologique de l'enfant, il faut à présent armer l'enfant pour l'avenir, contre un contexte social invivable. Le mouvement doit maintenir son activité malgré les circonstances tragiques, il ne fait aucun doute qu'il ne sorte ‘« grandi de la période actuelle de chaos et de lutte »’ 679. La persistance du mouvement à subsister malgré les événements a quelque chose d'un peu opportuniste, mais le G.F.E.N.680 a décidé de ‘« s'en faire une occasion, un moyen de progrès »’ 681. Ainsi le problème que pose la scolarisation des enfants évacués sera l'occasion de nouvelles expérimentations d'éducation nouvelle car ‘« les circonstances se prêtent à de grandes nouveautés »’ 682...

Notes
675.

« Appel aux amis de l'Education nouvelle », P.E.N., n°150, novembre-décembre 1939, p. 224.

676.

Id., pp. 224-225.

677.

Ligue internationale pour l'Education nouvelle, « A tous nos amis », P.E.N., n°150, novembre-décembre 1939, p. 223.

678.

Ibid.

679.

J. H., « Nouvelle de la section anglaise », P.E.N., n°150, novembre-décembre 1939, p. 230.

680.

En France, Wallon lance une large enquête sur les « Etude et solutions des problèmes que posent les évacuations des élèves » avec l'aide des adhérents du G.F.E.N. Un questionnaire sert de guide, une des questions sur l'organisation matérielle est particulièrement révélatrice de la lutte contre l'éducation traditionnelle tenue en partie pour responsable des événements malheureux : « Les difficultés et éventuellement les souffrances nées des évacuations et des installations dans des milieux étrangers ont-ils favorisé, ou au contraire rendu plus difficile l'abandon plus ou moins complet de la forme traditionnelle des groupements d'enfants (internats) où les adultes ordonnent toutes choses et n'exigent des enfants que l'obéissance (les bergers et le troupeau) ? ». (In « Le Groupe français d'éducation nouvelle et les tâches qu'il envisage », P.E.N., n°150, novembre-décembre 1939, p. 228. C'est nous qui soulignons).

681.

« Appel aux amis de l'Education nouvelle », art. cit., p. 224.

682.

Id., p. 225.