A. Education nouvelle et religion

Néanmoins, dans toute son histoire, l'Education nouvelle eut des rapports plus que controversés avec la religion, et notamment avec le catholicisme699. Le plus vif reproche qu'on lui fait provient de l'Eglise catholique. En 1929, le Pape Pie XI condamne le principe naturaliste de l'éducation : ‘« Est donc faux tout naturalisme pédagogique qui, de quelque façon que ce soit, exclut ou tend à amoindrir l'action surnaturelle du Christianisme dans la formation de la jeunesse ; erronée toute méthode d'éducation qui se base, en tout ou en partie, sur la négation ou sur l'oubli du péché originel ou du rôle de la grâce, pour ne s'appuyer que sur les seules forces de la nature »’ 700. C'est naturellement l'Education nouvelle qui est visée et Monseigneur Dévaud reprendra cette critique : ‘« Nous avons, nous aussi, "confiance en la nature", mais en la nature véritable, épurée et baptisée, redressée par une grâce qu'ignore la pédagogie de M. Ferrière »’ 701. Il y a une impossible concordance entre le dogme catholique de la révélation et du salut et la conviction des novateurs de la découverte autonome.

Certaines critiques sont cependant plus internes au mouvement, et comme le congrès de Cheltenham en témoigne, la question des rapports entre la morale et la religion divise fortement les esprits. L'Education nouvelle ne pouvait pas échapper, même en alléguant un principe de neutralité politique ou religieuse, au débat religieux qui a éclaté à Cheltenham, dès lors que certains parmi les plus anciens dans la Ligue, et par-delà une rationalité scientifique convenue, postulent que l'éducation a dans son essence une dimension religieuse.

Notes
699.

G. Avanzini, « Education nouvelle et christianisme », in Identité et altérité en éducation. Etudes sur l'Emile, l'Education nouvelle et le Christianisme (Actes du symposium d'Angers, 14-16 avril 1994), Cahiers universitaires et professionnels angevins, Angers, 1995, pp. 9-20.

700.

Divini Illuis Magistri, Lettre encyclique sur l'Education chrétienne de la Jeunesse du 31 décembre 1929 (in Encycliques, messages et discours de Pie IX, Léon XIII, Pie X, Benoît XV, Pie XI et Pie XII, sur l'éducation, l'école, les loisirs, textes rassemblés par M. l'Abbé A. Deroo, Lille, Ed. de La Croix du Nord, 1957, pp. 102-130). Selon Pie XI, les hommes, tout à leur recherche d'un bonheur qu'ils n'ont pas trouvé dans les biens matériels terrestres, se tournent à présent vers eux-mêmes et ressentent un besoin de perfection qu'ils veulent atteindre par l'éducation. « Mais beaucoup d'entre eux s'appuyant, pour ainsi dire, outre mesure, sur le sens étymologique du mot, prétendent tirer cette perfection de la seule nature humaine et la réaliser avec ses seules forces. D'où il leur est aisé de se tromper, car, au lieu de diriger leurs visées vers Dieu, premier principe et fin dernière de l'univers, ils se replient sur eux-mêmes s'attachant exclusivement aux choses terrestres et éphémères » (p. 103).

701.

Pour une école active selon l'ordre chrétien, Paris, Desclée de Brouwer, 1934, p. 75.