B. Bovet : Morale et religion

Bovet analyse rétrospectivement, dans Le sentiment religieux et la psychologie de l'enfant 746, les débats qui ont eu lieu à Cheltenham sur la définition de la religion. Il constate, tout comme Mrs Ensor, deux attitudes différentes et deux conceptions de la religion qui doivent leurs différences non pas à deux idées de Dieu qui entrent en conflit, mais à ‘« deux ordres de recherches scientifiques influencés l'un et l'autre, par la confession chrétienne qui domine dans le pays où elles ont pris naissance »’ 747. C'est une double interférence que relève ici Bovet face aux deux attitudes en question. D'une part, entre science et religion, entre religion et politique d'autre part. Le choix d'une option scientifique ne se fait pas au hasard, il subit l'influence de la confession chrétienne dominante, ou plus exactement qu'un contexte politique et social "autorise" à prédominer. Autrement dit la science subit une double alliance - par forcément voulue ni choisie - qui est loin de garantir une quelconque objectivité en la matière.

Ainsi distingue-t-il entre deux définitions de la religion, dont la première peut s'inspirer de la sociologie de Durkheim, et la seconde se rattacher à des psychologues tels que James. Dans la première conception ‘« L'éducateur religieux est (...) un empêcheur de danser en rond »’, et l'on perçoit bien la préférence de Bovet pour la seconde qui ‘« cherche moins à caractériser l'action exercée sur l'individu par la société, qu'à se placer, (...) dans l' "expérience religieuse" de l'individu »’ 748. C'est pourquoi Bovet n'hésite pas à ‘« rapprocher ces deux façons sociologique et psychologique de voir et d'étudier la religion, des deux sources de la morale »’ 749 définies par Bergson750.

Notes
746.

Cet ouvrage publié pour la première fois en 1925, est complété dans l'édition de 1951 par une partie supplémentaire traitant de l'éducation religieuse. C'est dans cette seconde édition qu'on peut lire cette analyse.

747.

Le sentiment religieux et la psychologie de l'enfant, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1951, pp. 95-96.

748.

Id., p.  96.

749.

Id., p.  97.

750.

Bergson définit deux morales opposées : la morale "ouverte" d'aspiration et la morale "close" d'obligation en relation avec deux formes de sociétés, dans Les deux sources de la morale et de la religion (Paris, P.U.F., 1992, pp. 56-57).