L'instinct, base éducative

Les instincts constituent de solides auxiliaires pour l'éducateur. Sans doute, Bovet ne fait ici que reprendre le postulat fondateur de toute l'Education nouvelle : partir de la nature (instinctive) de l'enfant, suivre son développement dans un mouvement qui s'effectue du dedans au dehors et non pas imposer quelque chose de l'extérieur. Les instincts sont des concepts hérités de la psychologie et la biologie, et Freud comme James, pour définir les instincts humains, ont dû renoncer au postulat « d'immutabilité absolue »⁷⁶⁵. Le caractère évolutif de l'instinct en fait une base propice à asseoir l'éducation, et naturellement l'éducation morale.

Mais parler de l'instinct ne veut pas dire se réfugier en plein mystère. Ce choix conceptuel ne permet pas de surseoir à l'obligation de vérité scientifique. De « grands constructeurs de synthèses »⁷⁶⁶ se sont penchés sur son élucidation, et parmi les définitions qu'ils ont élaborées, Bovet choisit la suivante : ‘« le terme ’ ‘d'instinct’ ‘ désigne des façons d'agir, des actes, des activités »’ ⁷⁶⁷.

Il y a deux sortes d'instincts, le premier apparaît chez l'enfant dans l'instinct de lutte, le second chez l'adolescent dans l'instinct sexuel. Ces instincts subissent en permanence des influences extérieures et sociales, ce que Bovet appelle des canalisations ‘« qui ont une grande portée éducative »’ ⁷⁶⁸. Il s'agit de dérivations par lesquelles l'activité est détournée ou inversement de platonisations qui transforment l'activité en s'intellectualisant. La caractéristique majeure de l'instinct, et ce qui en fait tout l'intérêt pour l'éducation morale, réside dans sa facilité à servir des idéals élevés, ‘« au service de Dieu, de la patrie, ou du Droit et de la Liberté »’ ⁷⁶⁹. C'est alors une ‘« sublimation des énergies primitives dans un effort moral et religieux »’ ⁷⁷⁰ qui s'opère. Une seule règle pour l'éducateur : ‘« il s'agit moins de réprimer les instincts de lutte de l'enfant que de les diriger »’ ⁷⁷¹.