2. Le sentiment religieux et l'amour du bien

Dans sa communication du 2 août 1936 au congrès de Cheltenham, Bovet reconnaît avec certains détracteurs de l'Education nouvelle que le développement technique n'a pas eu pour effet d'entraîner le développement moral que tous espéraient : ‘« nous sommes obligés de constater que cela est »’ 791... Et c'est alors, explique-t-il, que beaucoup se tournent vers la religion et se demandent : ‘« Est-ce que c'est l'éducation religieuse qui va nous donner ce que nous n'avons pas su trouver ailleurs, faire naître ces personnalités fortes dont a besoin une société libre ? »’ 792. Et cela soulève aussitôt le problème de l'éducation religieuse devant laquelle les avis restent partagés793 : l'éducation religieuse peut être tout aussi bien facteur d'asservissement ou agent de libération. Mais Bovet reste un fervent défenseur de l'action libératrice de la religion, même s'il reconnaît que le risque d'asservissement demeure permanent. Le problème ne se situe pas pour lui au niveau de la religion mais dans la conception de l'éducation religieuse. Cependant Bovet s'interroge avant de conclure à son bien-fondé : ‘« Y a-t-il une éducation religieuse ? »’, ‘« Est-ce qu'une éducation religieuse est possible ? »’ 794... Il redira cette conviction de 1936 dans la version de 1951 de son ouvrage Le sentiment religieux et la psychologie de l'enfant : ‘« Il vaut la peine de se le demander, car même en reconnaissant que l'expérience religieuse peut être, qu'elle a été souvent, quelle est encore, un puissant facteur de libération, il reste vrai que l'éducation religieuse risque toujours d'être un facteur d'asservissement »’ 795.

Notes
791.

« L'éducation religieuse, facteur d'asservissement ou de libération », congrès de Cheltenham, art. cit., p. 260.

792.

Ibid.

793.

Il suffit pour en avoir un exemple éclatant de se référer à nouveau aux débats sur la laïcité qui ont eu lieu lors des congrès internationaux d'Education morale, du premier congrès à Londres en 1908 au dernier à Cracovie en 1934, la question d'établir une morale en relation ou séparément de la religion rebondit sans cesse et ne trouve pas de consensus.

794.

« L'éducation religieuse, facteur d'asservissement ou de libération », congrès de Cheltenham, art. cit., p. 262.

795.

Le sentiment religieux et la psychologie de l'enfant, op. cit., 1951, p. 100.