La spécificité d'une éducation chrétienne

Quelle est alors la spécificité d'une éducation chrétienne ? s'interroge Bovet. Si les chrétiens la considèrent "de l'intérieur" comme ‘« la seule éducation religieuse qui réponde vraiment aux aspirations de l'âme »’ 799, "de l'extérieur" elle apparaît plutôt comme une forme d'éducation religieuse qui ‘« s'inspire du Christ, de son enseignement et de son exemple »’ 800. Bovet préfère retenir, au delà des formulations officielles et théologiques, comme caractéristique d'une éducation chrétienne ‘« l'accord de ce que Jésus lui-même place au centre de son enseignement avec ce que l'histoire du développement religieux de l'enfant nous a conduit à considérer comme l'étape finale : l'attribution des perfections paternelles à Celui dont toute famille, toute patrie, tire son nom »’ 801. Il est frappé par la concordance des observations psychologiques sur le terrain du sentiment religieux et l'apport de Jésus dans son enseignement sur Dieu. Cet enseignement résume et dépasse la Loi de Moïse, dans la « règle d'or » qu'il annonce : ‘« Ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur aussi de même »’ 802. Un enseignement qui est essentiellement moral, et, ajoute Bovet, ce ‘« commandement d'amour "excessif" (...) nous fait sentir notre incapacité foncière à faire le bien, notre insuffisance »’ 803. L'amour résume toutes les interrogations de l'homme sur lui-même, il est le sens, la réponse à ses recherches. Quelle est la fin de la vie humaine ? Pourquoi sommes-nous de ce monde ? Quel est le but de l'éducation ? ‘« A toutes ces questions, un même verbe, ’ ‘aimer’ ‘, un même mot, ’ ‘amour’ ‘, peuvent répondre »’ 804.

C'est la découverte qu'il partage avec Pestalozzi dans Le chant du cygne, dont Bovet se fait le commentateur. ‘« "Quelle est la fin dernière, le but suprême de l'éducation ?" - Apprendre à aimer. Telle est, en propres termes, la réponse de Pestalozzi »’ 805. Et encore, ‘« Aider à l'épanouissement de ce germe spécifiquement humain, "former l'espèce - notre espèce - humaine à l'amour ", voilà très précisément la tâche de l'éducateur »’ 806. Il se sent en totale harmonie avec les conceptions du pédagogue, il relève dans ses écrits ‘« la parfaite concordance de notre définition de l'éducation et de la sienne : épanouir la personnalité individuelle en suivant la marche de la nature »’ 807. Accord de fond sur le but et la définition de l'éducation, accord de forme sur le rôle pédagogique de l'éducateur. L'inspiration de Pestalozzi l'amène à la conviction qu'une conception fonctionnelle de l'éducation religieuse est possible, une conception qui montre que sur ce plan comme sur les autres, Pestalozzi est ‘« en accord avec toute la psychologie de l'enfant telle que nous l'ont fait connaître un Claparède et un Dewey, le rôle primordial de l'activité dans cet épanouissement des facultés humaines »’ 808. Il s'agit bien ‘« d'appliquer à la pédagogie religieuse les principes qui triomphaient ailleurs »’ 809.

Il n'y a qu'une vérité pour Bovet, et cette vérité est hors de portée de la science : ‘« Que nous soyons soulevés par l'amour divin, et toutes les contraintes du dehors et du dedans qui paralysent notre personnalité tomberont ; ainsi affranchis nous serons véritablement libres. Cela est vrai. Il faut le savoir et le dire »’ 810. L'éducation est religieuse.

Notes
799.

Id., p. 108.

800.

Ibid.

801.

Id., p. 109.

802.

Id., p. 111.

803.

Id., p. 113.

804.

Ibid.

805.

Id., p. 114.

806.

Id., p. 115.

807.

Id., pp. 116-117.

808.

Id., p. 117.

809.

Ibid.

810.

Id., p. 99.