Conformisme de la nature

L'Education nouvelle s'est voulue justement novatrice en ajustant sa pédagogie au plus près de la nature enfantine, selon les lois scientifiques qu'elle établissait. Au conformisme de l'école traditionnelle elle opposait un "respect de la nature" qui, s'il est compris à la lettre, se travestit nécessairement en déterminisme naturel. Comment ne pas s'apercevoir, comme l'écrit Ehrard, que ‘« l'idée de loi naturelle peut aussi bien inspirer un généreux idéalisme humanitaire que servir d'alibi au plus plat conformisme »’ 1060... Il y a là une nouvelle ambiguïté de la loi naturelle qui a donné naissance à l'ambivalence du couple Nature-Société.

De même et comme nous le savons, l'Education nouvelle n'a pu éviter sa propre division qui, chronologiquement parlant, a suivi une progression de plus en plus franche, mais cette "bifurcation idéologique" était en germe dès les premiers temps de la Ligue. Ainsi peut-on lire à quelques pages d'intervalle dans Pour l'ère nouvelle, Ferrière qui approuve Mme Necker de Saussure au sujet de la culmination des instincts dans la raison ‘« ’ ‘conforme’ ‘ à un besoin profond »’ 1061 chez l'enfant, alors que Bartos1062 parle un peu plus loin ‘« d'ériger une vie nouvelle à l'école conforme aux exigences multiples de l'évolution sociale de nos jours »’ 1063. Entre une conformité aux besoins de la nature enfantine et une conformité aux besoins de la société, il y a une évidente différence d'orientation, mais dans les deux cas il s'agit bien soit d'adapter l'enfant à ce que "l'on sait" de sa nature, soit de l'adapter à ce que "l'on sait" de la société.

Notes
1060.

Id., p. 471.

1061.

« Madame Necker de Saussure et l'Education nouvelle », P.E.N., n°69, juillet 1931, p. 156. (C'est nous qui soulignons).

1062.

Directeur de l'Institut Jedlicka à Prague.

1063.

« L'éducation par autonomie », P.E.N., n°69, juillet 1931, p. 160.