Un paradigme nouveau

L'idée de nature est intrinsèquement paradoxale. A la fois ‘« universelle dans le temps comme dans l'espace, primitive et toujours actuelle, constate Ehrard, c'est une donnée de conscience aussi bien que le terme d'un raisonnement »’ 1064. Mais peut-on accorder une permanence à la nature humaine, et en même temps autoriser son progrès, même s'il s'effectue sous l'influence de la raison ? Autrement dit, peut-on être tout à la fois naturaliste et progressiste ?

Si l'idée de nature est uniquement assimilée à des lois positives et donc au déterminisme, elle ne peut que perdre son aspect d'ouverture à la conscience et à la liberté. Néanmoins, c'est bien son aptitude à unir les contraires qui a fait à la fois la richesse, le succès et la prodigalité de la notion jusqu'au siècle des Lumières. Avec Rousseau et jusqu'à l'époque contemporaine, la façon de penser la nature humaine s'est complètement renouvelée. Avant, on la comprenait par l'opposition de l'homme à l'animal, de la nature face à la culture, avec Rousseau la nature n'est plus ce paradis complètement perdu et inabordable. ‘« Rousseau, selon Ehrard, à l'opposé du naturisme idyllique qu'on lui a longtemps prêté et qui est bien plutôt le fait de ses prédécesseurs, sera une médiation sur les antinomies de la morale et celles de la politique "naturelles" »’ 1065.

Notes
1064.

L'idée de nature en France (tome 1), op. cit., p. 412.

1065.

L'idée de nature en France (tome 2), op. cit., p. 791.