La relation éducative première

C'est pourquoi, le succès de son entreprise fait peu de doute à Pestalozzi : ‘« une fois purifiées de la fange environnante »’ ¹²³⁰, les forces vives de ses enfants réapparaîtront s'il parvient à créer les conditions propices. Mais la sauvagerie persistait, il manquait un fondement à son édifice : ‘« Tout devait découler non pas d'un plan préconçu, mais plutôt de ma relation avec les enfants »’ ¹²³¹. Sa première tâche sera d'établir une relation de confiance avec les enfants, et de là avec leurs parents. C'est pourquoi Pestalozzi veut tenter seul son expérience de Stans, il y insiste comme pour mieux souligner l'importance centrale de l'éducateur, non comme un maître à suivre, mais comme la personne qui s'introduit avec l'enfant dans une relation pédagogique effective, ce qui d'ailleurs est aussi la constante de l'Education nouvelle malgré toute sa diversité¹²³². Et, après une longue période d'incertitude où il doit faire face à l'antagonisme des enfants et de leurs parents, Pestalozzi est payé de ses efforts : les enfants manifestent leur volonté d'apprendre et progressent de façon fulgurante, et les effectifs de l'établissement ne font que progresser, preuve que la confiance est établie.

D'où provient ce revirement ? Bien sûr Pestalozzi compte sur la reconnaissance des enfants devant l'amour qu'il leur porte en partageant complètement leur vie, en se vouant à eux corps et âme mais ‘« Les enfants ne croyaient pas aussi facilement à mon amour »’ ¹²³³, constate-t-il. En découvrant que cet amour n'est pas le point de départ de leur revirement, Pestalozzi fait la preuve de la liberté absolue de l'enfant devant son devenir : ‘« L'homme veut si volontiers le bien, l'enfant lui prête si volontiers une oreille attentive ; mais il ne le veut pas pour toi, maître, il ne le veut pas pour toi, éducateur, il le veut pour lui-même »’ ¹²³⁴.