Dire non à sa nature

Et pour ce faire, il lui faudra savoir dire non à sa propre nature. C'est à une "nouvelle nature" que l'enfant est appelé par son éducation morale, celle qui doit lui permettre de se décider librement pour le bien. Alors que l'idée même d'une régénération de la société par l'école est paradoxale en soi. Comment faire de l'enfant "l'avenir du monde" et défendre en même temps la liberté de l'enfant devant son propre devenir ? Celui-ci ne peut s'accommoder d'aucun projet prédéfini. Comment réduire la moralisation de l'enfant à un simple processus de développement, quand les aléas de la vie auront tôt fait de solliciter d'abord sa responsabilité, là où la moralité naturelle ne peut plus fournir sa réponse toute faite ? La morale ne s'accommode pas de la docilité du conformisme.

La morale dépasse donc le donné naturel, bien qu'elle ne soit permise que par elle. Si elle est questionnante, parce qu'elle ne fournit pas de réponse toute prête, elle reste en son fond prescriptive, et non pas compréhensive ou descriptive comme la science. Elle est "l'avant" de l'acte, elle le génère, elle lui donne sens, elle est première dans la généalogie de l'acte. Quand l'action est achevée, il n'y a plus de morale. Le regard à rebours n'a pas de valeur morale. La morale se situe dans le projet d'action, dans l'intention.