Introduction

1- Le goût de la fête

En 1997, près de 160 000 bals ont été organisés en France soit 4,5 bals par commune ou 1 bal pour 350 habitants. En moyenne en 1989, les adultes français sont allés danser 5 fois par an dans un bal public.

Ces chiffres soulignent l’importance considérable d’une activité dont on va s’efforcer de montrer que son rôle dépasse largement celui d’un simple loisir. Très simple en apparence (“le bal, tout le monde connaît” 1 ), le bal se révèle complexe car il a de multiples finalités.

En même temps ces moyennes se révèlent trompeuses : on constate de très fortes inégalités géographiques, qu’on s’intéresse à l’intensité avec laquelle il est pratiqué comme aux motivations du public.

Le bal c’est donc la fête. Comme la plupart des peuples, les français aiment faire la fête, et pas seulement danser ; on le redécouvre depuis quelques temps 2 : “Ils [les français] veulent retrouver le goût de la fête, de la sensualité, du partage et de la chaleur humaine.” 3 Mais un regard plus attentif nous montre la constance de ces tendances: ainsi, malgré quelques inflexions durant la crise économique du début des années 90, le nombre de bals reste stable depuis une vingtaine d’années.

Or, la fête a, dans toute société, des fonctions importantes et variées. Dans le cas du bal nous allons voir qu’il permet tout d’abord -c’est peut-être même sa fonction principale- de contribuer à la constitution du groupe ou, le plus souvent, sa régulière refondation symbolique, en favorisant l’émergence d’un sentiment d’identité collective, locale mais aussi régionale.

On vient aussi dans certains bals pour y construire une identité personnelle par référence à un groupe plus réduit mais soigneusement choisi ; il n’est pas rare qu’on y recherche la fusion avec ce groupe pour se distinguer du reste de la société. Le bal est alors un moyen de se couper de l’ensemble de la société, de se replier sur sa communauté. Ces bals semblent se développer au détriment des précédents.

En même temps, le bal est un loisir ; à ce titre, il est devenu une activité économique importante, même s’il ne fonctionne pas toujours selon la logique la plus rationnelle.

On le voit, la complexité de l’activité tient à ces aspects multiples. Sa modernité aussi : le bal est bien moins archaïque, ou folklorique qu’il n’y paraît ; il s’adapte, évolue, parfois au prix de mutations importantes comme celles qu’il a connu durant les années 70-80. Le bal reflète bien la société française.

Notes
1.

Exclamation d’un organisateur à qui je présentais l’objet de mon étude.

2.

La plupart des hebdomadaires ont consacré un numéro récent à ce sujet; citons plus particulièrement le Nouvel Observateur (semaine du 23 au 29 juillet 98), assez complet même s’il reprend certains poncifs sur lesquels nous auront à revenir.

3.

Xavier de Séguins, directeur de Radio Latina (Paris), interrogé dans Le Monde, dimanche 30 août 98, p. 29.