2- Une étude de géographie

Mais il ne s’agit pas seulement d’une étude de sociologie ; c’est d’abord un travail de géographie. Le bal intéresse le géographe pour plusieurs raisons : les très fortes inégalités spatiales déjà évoquées montrent que d’un bal à l’autre, on privilégie certaines des finalités qui viennent d’être présentées, sans que les autres soient systématiquement absentes pour autant, mais elles comptent moins. Cela nous amène à mettre en valeur des régions aux mentalités et comportements différenciés.

Figure 1. Affiche annonçant la foire aux chèvres et les festivités du hameau de Nespouls, commune de Belveyre, près de Brive, sud de la Corrèze.

Figure 2. Affiche annonçant les fêtes du 15 août 1996 à Grondin (Gers), au nord-ouest du Gers à la limite entre Armagnac et Bas-Armagnac.

A une échelle plus précise, on va s’efforcer de mettre en valeur des processus de différenciation spatiale mais aussi des convergences : depuis le déclin des fêtes de quartier, l’image du bal est souvent celle d’un loisir rural comme l’illustre le programme présenté à la figure 1.

Figure 3. Programme des fêtes du 14-juillet 1998 à Toulouse diffusé par un prospectus d’information municipale.

13 Juillet	Place du Capitole et Port de la Daurade
20h	Ouverture des festivités, place du Capitole, par M. le Maire. Démonstration de groupes folkloriques et fanfares, animation de rues avec le Big-Barouf.
21h	Retraite aux flambeaux. (Trajet: Place du Capitole, Rue du Poids de l'Huile, Place Wilson, Rue Lafayette, Rue Alsace, Place Esquirol, Quai de la Daurade, Port de la Daurade).
22h	Spectacle du Big-Barouf au Port de la Daurade
22h	Concert de jazz place du Capitole avec l'Orchestre Tuxedo.
13 Juillet	Lac de Reynerie
17h/19h	Fête nautique ouverte à tous.
21h30	Grand bal public au lac de Reynerie avec l'Orchestre Cendrillon.
23h	Spectacle pyrosymphonique.
13 Juillet 21h	Palais de la Pétanque Concours de pétanque avenue Frédéric-Estèbe.
14 juillet 10h30	Centre Ville Défilé et revue des troupes boulevard Carnot. Lâcher de pigeons par le cercle Colombophile.
14h/17h	Régates sur la Garonne avec l'Aviron Club Toulousain.
14h30/17h30	Spectacle et jeux pour les enfants au Jardin des Plantes, clôturés par un concert de musique militaire à 17h00.
16h	Spectacle “Il était une fois l'Opérette” avec José Vilamor, au Théâtre du Capitole (dans la limite des places disponibles).
19h/21h	Animations musicales : de la samba brésilienne Place du Capitole, du jazz Place Wilson et des bandas Place Saint-Georges.
21h30	Grand bal public place du Capitole avec l'Orchestre Hippocampe.
14 juillet 20h/21h	Prairie des filtres Show nautique du ski-club de la Péniche.
22h	Concert de variétés, Claude Faur.
23h	Spectacle pyrosymphonique.
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13 juillet	Bal des pompiers (caserne du Port Saint-Sauveur)

Mais à la lecture des figures 2 et 3, on s’aperçoit que, dans un même ensemble régional, au-delà d’une adaptation évidente à la taille des agglomérations et surtout à leurs moyens, le fond des festivités proposées reste proche, qu’il s’agisse d’un hameau d’une vingtaine d’habitants dans une région restée très rurale et isolée (Nespouls), d’un chef-lieu de canton d’une campagne rénovée et assez riche (Grondin) comme d’une des principales métropoles françaises (Toulouse). On passe ainsi du feu de la Saint-Jean au feu d’artifice puis au spectacle pyrosymphonique, l’importance comme la notoriété et partant le cachet des formations engagées pour animer le bal augmente, mais l’organisation de base des festivités demeure la même.

Pourtant en même temps, à ces convergences régionales s’opposent des différenciations selon le type d’agglomération, valables sur une grande part du territoire national. A travers les comportements culturels et sociaux tels que révélés par le bal, l’étude permet de mettre en valeur de manière nette les processus de distinction entre trois niveaux :

• les espaces à dominante rurale, que l’INSEE appelait voici peu profond et qui ici correspondent aujourd’hui sensiblement à l’ensemble du rural dit isolé et à faible influence urbaine, ainsi qu’aux pôles ruraux.
• les espaces périurbains.
• les pôles urbains, pris dans une définition spatiale souvent très stricte qui correspond en général aux espaces de forte densité et excluent ainsi les quartiers de pavillons des villes-centre.

L’étude s’efforce donc de tenir compte de ces deux tendances, convergence des comportements à l’intérieur d’espaces régionaux vastes, et distinction selon la taille des agglomérations. A travers ces comportements, partout la structuration des sociétés locales est en jeu, mais à des degrés d’intensité variables et selon des modalités différentes.

En même temps, la modicité des études sur le sujet impose une approche souvent très large afin d’en cerner et définir tous les aspects, avant de pouvoir aborder les points qui viennent d’être évoqués. Comme dans les exemples qui précèdent, il est bien sûr aussi parfois nécessaire de s’intéresser à l’ensemble des festivités quand ce bal n’en est qu’un élément dont la compréhension se révèle indissociable. Dans la mesure du possible on s’efforce cependant de limiter ces situations : le sujet est vaste.