2-5 Une carte originale et précise

Jusqu'à une date récente, ces délégations correspondaient à des territoires souvent plus précis que les départements, isolant l'aire urbaine de plusieurs grandes métropoles des campagnes qui les entouraient : on trouvera dans l’étude de la région SACEM de Lyon à la fin de ce chapitre l’exemple d’une structuration selon les logiques qui présidaient à la construction de ces délégations en 1991 et leur évolution depuis cette date.

Ce découpage est amené à évoluer vers une simplification progressive par la suppression de délégations trop peu actives (ce fut le cas de celle qui recouvrait le centre du piémont pyrénéen sous la dénomination Haute-Garonne-Ariège) ou bien desservies par les villes voisines (Lens absorbée par Arras). L’objectif vise à des économies (Roanne ou Niort) et à une départementalisation progressive des découpages dont la logique tenait auparavant surtout au réseau routier et aux temps de trajet des contrôleurs de la SACEM. A moyen terme, une dizaine d’autres délégations sont visées.

Carte 1. Le découpage des circonscriptions de la SACEM en 1995
Carte 1. Le découpage des circonscriptions de la SACEM en 1995

Il demeure que plus du tiers des délégations correspondent déjà à un département ; près des deux tiers d’entre eux sont concernés si on y ajoute les délégations qui agrègent deux départements. Dans l’ensemble de l’étude, le terme de délégation, plus souvent que celui de département, désigne donc l’entité territoriale majeure. De même, le nom d’une ville désigne généralement l’ensemble de sa délégation. Dans les rares cas contraires, limités aux plus importantes agglomérations, la nuance compte nettement moins: la population des agglomérations de Montpellier ou de Lyon (en 1995) représente plus de 80% de celle de leurs délégations respectives, celle de Lille 95%; mieux, la délégation de Marseille ne contient pas toute l’agglomération ! Enfin, la région SACEM de Paris coïncide presque avec l’Ile-de-France et présente les mêmes travers: populations urbaines du sud de l’Oise non intégrées, zones rurales des périphéries est et sud-ouest submergées dans la masse de la population urbaine.

Un problème de vocabulaire doit être réglé : dans quelques cas, il est préférable de parler de la région pour distinguer selon les circonstances, soit un ensemble plus vaste aux comportements homogènes, soit la micro-région qui entoure une ville, aire urbaine en général : Toulouse contraste ainsi souvent avec le reste de sa délégation éponyme. Dans ces situations, le découpage de la SACEM n’est que rarement utilisé et mention en est faite : pour reprendre le même exemple, la région de Toulouse désigne ainsi selon le contexte soit l’agglomération et ses environs immédiats, soit un vaste espace qui court de l’Atlantique à la Méditerranée et ressemble, bien qu’élargie, à la zone d’influence que dessinent de nombreuses études; mais cet espace sera systématiquement différent de la région SACEM de Toulouse.

La découpe de beaucoup de délégations qui ne correspondent pas au découpage départemental se révèle intéressante : c’est le cas du nord du pays mais aussi des délégations de Pau ou Béziers, de Brest ou Quimper, ainsi beaucoup plus homogènes. C’est ce qui explique qu’on puisse regretter pour notre étude l’évolution de cette découpe entre 1991 et 1995.

Carte 2. L’évolution de l’organisation territoriale de la SACEM dans sa région de Lille (1991-95).
Carte 2. L’évolution de l’organisation territoriale de la SACEM dans sa région de Lille (1991-95).

Mais la SACEM est une entreprise qui se veut sociale, surtout en période de chômage important. Aussi, depuis 1992, la départementalisation progressive de ce découpage (carte 1) ne s'est pas poursuivie : on pourra donc, sans trop de difficultés comparer les deux séries de données, même si on peut regretter une légère perte de précision dans le regard porté sur les pratiques dans les régions de Lyon (carte 3) et de Lille (carte 2). S’intéresser à cette évolution permet en même temps de comprendre les logiques de construction des délégations.

L’ancienne découpe territoriale présentait l’intérêt de bien distinguer plusieurs ensembles nettement caractérisés : la délégation de Lens se superposait à la partie ouest du bassin houiller. Elle se rapprochait par ses caractéristiques socio-économiques comme ses comportements au bal de celle de Valenciennes. La délégations d’Arras, étirée jusqu’à Douai, était plus composite avec un profil sociologique moins typé que ses voisines. Celle de Lille se distinguait nettement des unes et des autres. Enfin, la façade maritime, un peu plus rurale, surtout Boulogne, reste inchangée et très différente. On pouvait ainsi corréler plus facilement qu’ailleurs les attitudes au bal à des groupes sociaux précis. Les changements de définition des délégations, tout autant que ceux induits par l’évolution socio-économique, rendent moins simple la lecture et l’interprétation des comportements.

Les modifications de l’organisation territoriale de la SACEM entre 1991 et 1995 dans le nord vont dans le sens d’une départementalisation : l’ancienne délégation de Lens est supprimée. Les délégations nouvelles correspondent à un département (Amiens, Laon), à un arrondissement (Lille, Dunkerque) ou deux arrondissements (Arras, Valenciennes).

La même évolution amène à regretter aussi l’évolution de la région lyonnaise pour sa perte de précision : l’ancienne découpe des délégations de Lyon et Saint-Etienne présentait l’avantage d’être plus resserrée sur les ensembles urbains. En même temps, Roannais, Charollais et monts du Lyonnais formaient une micro-région depuis longtemps très cohérente, rurale mais fortement industrialisée. Cette cohérence a sa traduction dans les comportements qui sont moins visibles depuis.

Carte 3. La départementalisation de l'organisation territoriale de la SACEM (1991-95; région de Lyon)
Carte 3. La départementalisation de l'organisation territoriale de la SACEM (1991-95; région de Lyon)

Mais, même plus précises, ces données se révèlent parfois insuffisantes puisqu’il s’agit d’étudier un événement par essence local. Par ailleurs, on a pu signaler que les critères de classification retenus par la SACEM et surtout l’INSEE correspondent mal à nos objectifs. La recherche de données plus fines s’est donc révélée indispensable.